Le cœur d’Islamabad était vide, mercredi 27 novembre : les milliers de partisans de l’ex-premier ministre Imran Khan qui y manifestaient la veille ont été dispersés, mais les habitants confinés depuis plusieurs jours par l’important déploiement policier ne sont pas encore ressortis.

Des affrontements ont opposé, mardi les forces de sécurité pakistanaises à des milliers de partisans de l’ex-premier ministre, entrés, tôt le matin, dans Islamabad pour demander sa libération. « Ceux qui n’ont pas encore rejoint la manifestation doivent se rendre à D-Chowk » –, une place aux portes du quartier gouvernemental de la capitale –, a écrit M. Khan sur X.

Des policiers et des paramilitaires ont lancé des grenades lacrymogènes, que des manifestants leur ont renvoyées. Les forces de sécurité ont aussi tiré des balles en caoutchouc. Selon le ministre de l’intérieur, Mohsin Naqvi, « quatre paramilitaires ont été tués » mardi après que les milliers de partisans ont bravé un important déploiement policier. Le premier ministre, Shehbaz Sharif, a lui déclaré qu’ils avaient « été écrasés par un véhicule lors d’une attaque » menée « par des manifestants ».

Les autorités ont rapporté qu’un policier a été tué et que neuf autres se trouvent dans un état critique, sans donner plus de détails. Depuis dimanche, « plus de 20 000 membres des forces de sécurité ont été déployés dans et autour d’Islamabad », avait annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) Mohammed Taqi, porte-parole de la police de la capitale.

Les écoles d’Islamabad, fermées depuis lundi, doivent rouvrir jeudi, selon Mohsin Naqvi ; et Internet, qui avait été coupé « dans les zones où il y a des dangers sécuritaires », sera également rétabli jeudi. Le ministre de l’intérieur a par ailleurs félicité ses troupes pour avoir « courageusement repoussé les manifestants » et ordonné de « lever les barrages » et de « nettoyer » après avoir « inspecté les dégâts causés par les hors-la-loi ».

« Se mettre d’accord, plutôt que de jouer sur les sentiments des militants »

Pour la Commission pakistanaise des droits humains, il est temps que « le gouvernement et l’opposition entament immédiatement un dialogue politique constructif ». Ils doivent « se mettre d’accord pour avancer pacifiquement plutôt que de jouer sur les sentiments de leurs militants pour mettre le pays à l’arrêt et, ce faisant, entamer la liberté de mouvement et surtout le gagne-pain des autres », poursuit la principale ONG de défense des libertés du pays.

Face aux risques de violences, la diplomatie américaine avait également « exhorté » lundi soir « les manifestants à manifester pacifiquement » et a « demandé aux autorités pakistanaises de respecter les droits humains et les libertés fondamentales ». Si toute la nuit les médias locaux ont évoqué des tentatives de négociations entre le pouvoir et le Pakistan Tehrik-e-Insaf d’Imran Khan (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice), rares sont ceux qui imaginent une désescalade dans le calme.

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L’appel à manifester avait été lancé pour dimanche. Les manifestants sont partis des provinces limitrophes de la capitale, le Pendjab, dans l’Est, et le Khyber Pakhtunkhwa, fief du PTI, dans l’Ouest. Ils ont mis plus de quarante-huit heures à arriver à Islamabad.

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En réponse à ce que le PTI a présenté comme « son dernier acte », les autorités ont sorti les grands moyens. Dès le début de la semaine, Islamabad avait déclenché l’« article 144 », qui interdit tout rassemblement de plus de quatre personnes, pour deux mois. Le Pendjab, où vivent plus de la moitié des Pakistanais, lui a emboîté le pas samedi, avec une décision similaire, mais limitée à trois jours.

« Vu l’ampleur des préparatifs, on se demande si la police d’Islamabad se prépare à une guerre », s’interrogeait dès mercredi Dawn, le quotidien de référence en anglais. Partout dans la capitale, depuis des jours, des centaines de conteneurs ont été déposés par des grues en travers des routes. « Islamabad va une fois de plus se transformer en “Conteneuristan”, comme l’appellent les habitants. Est-ce vraiment nécessaire, la question se pose », poursuit Dawn.

Une détention « arbitraire », selon l’ONU

La Commission pakistanaise des droits humains, estime que « bloquer les accès à la capitale, en fermant les principaux axes routiers du Pendjab et du Khyber Pakhtunkhwa, pénalise les citoyens ordinaires, et en particulier les travailleurs journaliers dont le revenu dépend de la liberté de mouvement ».

Le chef du gouvernement du Khyber Pakhtunkhwa, Ali Amin Gandapur, avait appelé depuis dimanche ses partisans à « aller à Islamabad et y rester jusqu’à ce qu’Imran Khan, nos leaders et nos membres soient libérés de prison ». S’adressant aux autorités, il avait ajouté : « Vous pouvez nous tirer dessus, nous bombarder et bloquer les routes avec vos conteneurs. Si ça dégénère, vous serez responsables. »

Imran Khan, au pouvoir de 2018 à 2022, est poursuivi devant différents tribunaux principalement pour des affaires de corruption ou de manifestations violentes de ses partisans. En juillet, un panel d’experts des Nations unies avait qualifié sa détention d’« arbitraire », appelant à sa libération « immédiate ».

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Le Monde avec AFP

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