Il n’y a rien de plaisant à voir une famille se déchirer. Jeudi 10 juillet, le tribunal correctionnel de Paris a soulevé le couvercle de la marmite du Canard enchaîné, dont trois ex-dirigeants sont jugés depuis mardi 8 juillet pour abus de biens sociaux, en raison de la possible attribution d’un emploi de complaisance à l’épouse de l’un d’entre eux. Au fil de l’après-midi, consacrée à l’audition des témoins et des parties civiles, souvent des salariés ou ex-salariés de l’hebdomadaire, les trois magistrates du siège ont découvert un bouillon brûlant d’inimitiés et de rancœurs. Ce journal de prestige, riche et puissant, est à l’intérieur un champ de bataille.

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S’avance à la barre une personne qui a plutôt l’habitude d’observer les autres y passer : Dominique Simonnot, l’ex-chroniqueuse judiciaire du journal. Elle est venue soutenir Michel Gaillard et Nicolas Brimo, les deux anciens patrons du journal. Ils sont renvoyés pour avoir embauché, en 1996, Edith Vandendaele, l’épouse du dessinateur André Escaro, soupçonnée d’avoir occupé un emploi fictif. « Ça me fait un truc d’être là », souffle Dominique Simonnot. Ce n’est pas n’importe qui : elle est la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, nommée à la tête de cette autorité administrative indépendante par l’Elysée en 2020. Sa parole pèse forcément lourd dans ce procès.

« Je n’ai jamais ignoré qu’Edith existait. Elle appelait le lundi, le mardi. C’était même une blague entre nous. Tout le monde savait qu’elle existait », affirme Dominique Simonnot. Avec ces quelques mots, elle réfute la thèse défendue par Christophe Nobili, le journaliste qui a lancé l’affaire avec le dépôt d’une plainte en mai 2022. Selon ce dernier, toujours membre du Canard enchaîné, Mme Vandendaele n’a jamais travaillé effectivement pour l’hebdomadaire et presque personne dans le journal ne savait qu’elle en était salariée.

« Une rage incroyable »

Comme la contrôleuse générale, l’actuel directeur de la rédaction, Jean-François Julliard, un fidèle de MM. Gaillard et Escaro, a assuré, sans trop se mouiller, qu’il avait été lui aussi « témoin » des échanges téléphoniques réguliers des anciens dirigeants avec Mme Vandendaele et M. Escaro. Le couple aurait travaillé de concert, entre 1996 et 2022, à la production de petits dessins d’actualité signés par Monsieur : lui touchait alors sa retraite tandis qu’elle était rémunérée (jusqu’à 5 600 euros net par mois) pour l’assister, notamment en lui faisant des revues de presse, d’après les explications des mis en cause.

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