A un carrefour bruyant, entre une agence d’intérim et une supérette, l’étroite vitrine de la Clacton School Uniform Bank est déjà parée pour Noël, avec guirlandes et bottes en feutrine rouge. On dirait un joli magasin, mais il s’agit d’une association caritative collectant les uniformes scolaires trop petits pour les donner aux enfants des familles en difficulté. A l’intérieur, lundi 17 novembre, Carolyn Doyle, 62 ans, la fondatrice du lieu et trois volontaires s’affairent entre chemises blanches, blazers ou jupes plissées, tous classés par tailles et écoles (chacune a ses couleurs). La rentrée des classes est déjà loin mais le lieu ne désemplit pas : « Les enfants perdent plein de choses. Tout à l’heure, une grand-mère est venue chercher une cravate que sa petite fille a égarée au square. On équipe aussi les écoliers qui viennent de déménager », explique Carolyn Doyle, une ex-infirmière en soins palliatifs.

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Nous sommes à Clacton-on-Sea, dans l’Essex, au cœur de la circonscription de Nigel Farage, chef de file du parti d’extrême droite Reform UK. La commune a connu des jours meilleurs : station balnéaire appréciée des classes ouvrières londoniennes, elle a été délaissée avec l’apparition des vols low cost vers la Méditerranée et fait partie des localités les plus pauvres d’Angleterre. Selon l’association End Child Poverty Coalition, près d’un tiers des enfants de Clacton-on-Sea sont issus de foyers vivant sous le seuil de pauvreté (avec des revenus inférieurs à 60 % du revenu médian). C’est bien plus dans le quartier de Jaywick, dans l’ouest de la commune, considéré comme le plus défavorisé d’Angleterre, selon le ministère des collectivités locales britannique. Sur le plan national, la proportion d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté reste au niveau alarmant de 31 % depuis 2020, contre 27 % en 2011, selon l’Institut for Fiscal Studies (IFS).

Cette hausse est en grande partie due aux difficultés des familles nombreuses liées à l’introduction, à partir de 2015 par le gouvernement du premier ministre conservateur David Cameron, d’un plafonnement des allocations familiales à deux enfants (les familles ne touchent rien de plus à partir du troisième enfant). Sans la multiplication des banques alimentaires, des banques d’uniformes ou autres baby banks (elles sont, en tout, plus de 3 000 au Royaume-Uni), les familles seraient livrées à elles-mêmes, alors que la crise du coût de la vie a rendu les filets de sécurité sociaux encore plus nécessaires.

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