
La prise de rôle-titre par Rachel Willis-Sorensen constitue le point fort de cette nouvelle production de Thaïs, de Massenet, qui ouvre la saison lyrique du Théâtre du Capitole. L’histoire de la courtisane d’Alexandrie, vouée au culte de Vénus et spirituellement rédimée par un moine cénobite, lequel succombera à la tentation de la chair tandis que la pécheresse atteint à la sainteté, fit polémique à la création de l’œuvre, à l’Opéra de Paris, en mars 1894. La pièce de Jules Massenet est en effet tirée du roman éponyme d’Anatole France, à l’anticléricalisme revendiqué. La partition n’a pourtant gardé du synopsis que la double trajectoire telle un chiasme de deux destins aux mouvements contraires.
Beaucoup moins entendu que Manon et Werther, Thaïs recèle de trésors. Ainsi le fameux « air du miroir » Dis-moi que je suis belle, qui voit l’hétaïre obsédée par la mort et la finitude s’apeurer devant la perte de ses charmes, et surtout la célèbre Méditation de Thaïs confiée au violon solo, qui transfigure par l’archet la conversion de la pécheresse aux joies de la salvation chrétienne. Rachel Willis-Sorensen chante un rôle parmi les plus exigeants – Massenet l’écrivit pour sa muse, la cantatrice californienne Sibyl Sanderson, voix exceptionnelle dotée de trois octaves. Mais la soprano américaine est de celles, peu nombreuses, qui ont les armes en main. A 41 ans, elle est au zénith de sa voix, un médium voluptueux, de beaux graves, mais aussi des aigus impétueux qui, s’ils ne passent pas toujours en souplesse en ce soir de première, forcent néanmoins l’admiration et le respect. Elle ne fera qu’une bouchée du prosélyte Athanaël de Tassis Christoyannis. Le baryton grec campe, non sans une petite usure dans la voix, les tourments d’un homme torturé par le désir, dont les vindicatives objurgations cuirassent une secrète vulnérabilité. C’est en martyr de l’amour qu’il accueillera la transfiguration et la mort de Thaïs.
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