Livre. « Systémique. » Ce mot, que nombre de prélats se refusent encore à employer, est pleinement assumé par Christine Pedotti, l’autrice de l’ouvrage Autopsie d’un système. Pour en finir vraiment avec les abus dans l’Eglise (Albin Michel, 216 pages, 17,90 euros). Pour l’essayiste, les violences sexuelles à répétition dans l’Eglise catholique – 330 000 victimes depuis 1950, rien qu’en France, selon la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) – s’inscrivent bel et bien dans un « système », un ensemble de causes et de dynamiques, propre au catholicisme, qui facilite l’action et la dissimulation des prédateurs.
Pour la directrice de la revue Témoignage chrétien, « l’organisation hiérarchique du pouvoir, un clergé exclusivement masculin, l’obligation du célibat, le tout auréolé du caractère sacré du sacerdoce, constituent un système d’une grande cohérence ». Et de déplorer : « Le sujet est lourd, poisseux, et l’on voudrait bien en finir, enfin. A chaque nouvelle révélation, on croit avoir touché le fond et pourtant, quelques semaines plus tard, de nouvelles affaires surgissent, plus écœurantes (…) La chute de l’icône que fut l’abbé Pierre en est en France l’illustration la plus bruyante. »
L’ouvrage de Christine Pedotti propose une synthèse claire et percutante des travaux récents, notamment ceux de la Ciase et de l’historien Claude Langlois (On savait, mais quoi ? La pédophilie dans l’Eglise de la Révolution à nos jours, Le Seuil, 2020). Son livre aurait gagné à s’ouvrir davantage à d’autres sources et d’autres disciplines situées hors du champ de l’étude de l’Eglise, à l’instar de la psychologie ou de la criminologie, mais sa partie la plus stimulante concerne ses propositions pour l’avenir.
Etablir des garde-fous
Alors que les regards se tournent actuellement vers les premiers pas du nouveau pape Léon XIV, décrit comme un modéré, Christine Pedotti esquisse rien de moins que les contours d’une possible Eglise du futur radicalement renouvelée. Cette institution mettrait fin au « système » qui a engendré des violences sexuelles en établissant des garde-fous – l’ouverture des postes à responsabilités aux laïcs et aux femmes ; l’établissement de mandats limités dans le temps pour les ministères du culte et, surtout, l’abolition de l’ordination sacerdotale, qui confère aux clercs un statut « d’élus de Dieu », propice à l’omerta et à l’emprise spirituelle.
Il vous reste 28.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.