Une soirée à Phoenix, dans un grand bar populaire, quelques jours avant Noël. Sur le trottoir, la queue s’étire pour entrer. Bières, cocktails, éclats de rire, douce euphorie de la conquête. Les participants à la conférence annuelle de l’organisation Turning Point USA, l’une des forces montantes au sein de la droite américaine, s’offrent du bon temps. Ils ont afflué en Arizona pour célébrer leur victoire et le retour prochain de Donald Trump à la Maison Blanche. C’est leur moment, leur revanche. Leur croisade aboutie.
Un grand gaillard musclé, aux tatouages proliférant jusqu’aux phalanges des doigts, est accosté tous les 2 mètres par des admirateurs. Jacob Chansley se prête volontiers à l’exercice du selfie, répétant à l’infini les mêmes mimiques, recevant compliments et encouragements, tel un sportif au lendemain de triomphes olympiques. « Je suis comme une décoration de Noël sur le sapin, mais je sens qu’ils sont bien intentionnés, assure cet homme de 36 ans. J’ai touché beaucoup de cœurs et ça n’a pas de prix. Je les inspire, d’une façon ou d’une autre. » Sur sa tête, point de laurier, mais une coiffe en peau de coyote, surmontée de deux cornes de buffle. Celle-là même qu’il portait le 6 janvier 2021 en pénétrant illégalement dans le Capitole, un drapeau américain à la main et un mégaphone dans l’autre, visage peinturluré et torse nu.
Surnommé le « chaman QAnon », du nom du réseau extrémiste et conspirationniste, Jacob Chansley est l’une des figures les plus connues parmi les émeutiers qui avaient donné l’assaut contre ce haut lieu de la démocratie américaine, juste après un meeting de Donald Trump, quelques centaines de mètres plus loin. Dans la foule, ce jour-là, des groupuscules organisés qui avaient prémédité cet acte, mais aussi des centaines de simples curieux, de militants entraînés par l’effet d’aubaine et la dynamique de groupe. Profitant d’un dispositif policier à la fois dérisoire et héroïque, ils avaient brisé portes et fenêtres, vandalisé les bureaux, recherché le vice-président, Mike Pence, en appelant à le pendre. Sa faute : ne pas avoir accepté d’empêcher la certification de la victoire du démocrate Joe Biden au Congrès. Il s’en était fallu de peu pour que les émeutiers mettent la main sur les urnes contenant les listes originales des grands électeurs, transmises par les Etats. Leur destruction aurait plongé les Etats-Unis dans une crise institutionnelle sans précédent.
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