La cour d’appel de Paris a validé mercredi le mandat d’arrêt visant le président syrien Bachar al-Assad.
Le dirigeant est accusé de complicité de crimes contre l’humanité.
Une décision « historique », selon les parties civiles, mais dont les suites sont encore floues.

Bachar al-Assad sera-t-il jugé un jour en France ? La cour d’appel de Paris ouvre en tout cas la voie à un procès. La juridiction a validé ce mercredi le mandat d’arrêt visant le président syrien, accusé de complicité de crimes contre l’humanité. En cause : les attaques chimiques meurtrières d’août 2013, imputées à son régime. Malgré ce feu vert judiciaire, difficile de savoir si la justice pourra s’emparer de ces crimes. Et ce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, car un pourvoi en cassation est possible sous cinq jours. Or, il se trouve que le Parquet national antiterroriste (Pnat) demandait l’annulation du mandat au motif de l’immunité personnelle des présidents en exercice. Concrètement, le Pnat soutenait que « de manière unanime, il est estimé jusqu’à présent » que les exceptions à l’immunité personnelle des chefs d’Etat en exercice sont « réservées au seul bénéfice des juridictions internationales« , telle la Cour pénale internationale (CPI), et non des tribunaux de pays étrangers.  « Sans remettre en cause l’existence d’éléments démontrant l’implication de Bachar al-Assad dans les attaques chimiques commises en août 2013« , le Pnat souhaitait « voir cette question tranchée par une juridiction supérieure ».

« Il y a peu de chances que Bachar el-Assad vienne sur le territoire européen »

S’il n’y a pas de pourvoi en cassation, un procès peut-il avoir lieu ? Oui. Un procès, même en l’absence de Bachar al-Assad – et des trois autres personnes concernées par un mandat que sont son frère, Maher et deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam al-Hassan -, pourrait à ce stade avoir lieu dans les prochaines années à Paris. Selon les avocates des parties civiles, les États membres de l’Union européenne et tout pays reconnaissant ce mandat pourraient arrêter Bachar al-Assad s’il voyageait un jour sur leur sol.

Quid d’une éventuelle arrestation du principal intéressé ? De l’aveu même de Clémence Bectarte, Jeanne Sulzer et Clémence Witt, les avocates des parties civiles, cela semble à ce jour difficilement envisageable. « En réalité, il y a peu de chances que Bachar el-Assad vienne sur le territoire européen. Il ne s’agit pas là d’une question juridique, mais d’une question de mise en œuvre« , ont-elles expliqué à RFI.

En attendant les suites judiciaires à cette décision, les avocates des parties civiles savourent ce premier succès. « C’est la première fois qu’une juridiction nationale reconnaît que l’immunité personnelle d’un chef d’État en exercice n’est pas absolue », ont expliqué les avocates ce mercredi soir. « Il s’agit d’une victoire marquée par le courage et la persévérance des victimes françaises et syriennes (…), ouvrant ainsi la voie à un possible procès contre Bachar al-Assad en France, ce qui constitue une immense avancée dans la lutte contre l’impunité« , ont-elles ajouté dans une déclaration transmise à l’AFP à l’issue du délibéré, rendu à huis clos.

L’affaire, elle, a débuté en 2021, après une plainte. Depuis trois ans, des juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris enquêtent sur la chaîne de commandement ayant mené aux attaques perpétrées contre des civils dans la nuit du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma (450 blessés) puis le 21 août dans la Ghouta orientale, où plus de mille personnes, selon les renseignements américains, ont été tuées par du gaz sarin. Les investigations, confiées à l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), se fondent entre autres sur des photos, vidéos ou cartes, remises par les parties civiles notamment, des témoignages de survivants et de transfuges de régiments militaires.


T.G.

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