• Des pharmaciens ont été condamnés lundi à des amendes pour avoir accepté des cadeaux des laboratoires Urgo.
  • La somme totale des cadeaux atteignait parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros.
  • Le tribunal de Marseille a rappelé que la loi anti-cadeaux fait partie d’un « système anti-corruption ».

Des bijoux, du champagne, des objets électroniques… Huit pharmaciens ont été condamnés à Marseille lundi 6 octobre pour avoir accepté des avantages reçus sous forme de cadeaux de la part des laboratoires Urgo.

Devant le tribunal, l’un des pharmaciens jugés raconte s’être « fait embarquer dans le système » et reconnaît avoir fait preuve de « beaucoup de naïveté » en acceptant jusqu’à 50.000 euros de cadeaux. « Un jour, un commercial m’a sorti un catalogue sur papier glacé » montrant les objets offerts selon un système de points cumulés, rapporte-t-il. 

Face à mes doutes, le commercial m’a regardé dans les yeux en me disant : ‘Vous croyez qu’Urgo ferait des choses illégales ?!’

Un pharmacien jugé au tribunal de Marseille

Les laboratoires Urgo n’en sont pourtant pas à leur premier rappel à l’ordre. Une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait mis au jour qu’Urgo, en échange d’un renoncement à des remises par les officines, a offert, entre 2015 et 2021, 76.000 objets à plus de 8.500 pharmaciens, soit 40% de la profession. Le montant des cadeaux, qui comprenaient également du mobilier de marque et même des vélos électriques, s’élève à 55 millions d’euros. En 2023, Urgo avait déjà été condamné à Dijon à une amende de plus de 1,1 million d’euros, dont 625.000 euros avec sursis, et à la confiscation de plus de 5,4 millions d’euros.

Après cette condamnation, chaque parquet a dû traiter les cas des pharmaciens de son ressort, poursuivis pour « perception par un professionnel de santé d’avantages procurés par une personne commercialisant des produits sanitaires ». Au total, 215 pharmaciens sont concernés au parquet de Marseille, et une trentaine sont poursuivis pour avoir accepté des cadeaux d’un montant supérieur à 20.000 euros. 

La procureure, Marion Chabot, rappelle à l’AFP que cette loi anti-cadeaux est « un système anti-corruption ». Les pharmaciens condamnés ce lundi se sont vus attribuer des amendes allant de 6.000 euros (dont 2.000 avec sursis) à 50.000 euros (dont 30.000 avec sursis). 

De son côté, le Conseil de l’ordre national des pharmaciens, qui s’est constitué partie civile dans ce procès, a demandé un euro symbolique de dommages et intérêts. « Quand 40% d’une profession sort des rails de la légalité, cela veut dire que ce n’est pas une fraude mais une pratique élaborée qui amène à s’aveugler par certains phénomènes d’aubaine », a plaidé maître Frédéric Georges, l’un des avocats des pharmaciens.

Le phénomène ne se limite pas à la région marseillaise, même si les peines émises au tribunal diffèrent vastement selon les secteurs : dispense de peine à Avignon, amende fixée à 40% des avantages perçus à Bordeaux, amende de 1.000 euros avec sursis à Amiens… Au Havre, l’ex-ministre de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, pharmacienne de profession, s’était elle aussi vue infliger une amende de 8.000 euros, dont 4.000 avec sursis, fin 2024.

Laurene ROCHETEAU avec AFP

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