En augmentant la taxe sur les billets d’avion, la France pourrait engranger de nouvelles recettes fiscales, dévoile une étude de Transport & Environnement.
Fixée au même niveau qu’en Angleterre, elle rapporterait 3,5 milliards d’euros supplémentaires.
En comparant la France à ses voisins européens, l’ONG espère dépassionner le débat sur la taxation de l’aviation.

À ce stade toujours sans gouvernement, la France est censée présenter un budget avant le 1ᵉʳ octobre. Un budget dont on sait déjà qu’il sera difficile : en présentant les grandes lignes pour 2025, Gabriel Attal a tablé sur une stabilité de l’enveloppe à 492 milliards d’euros. Mais avec une inflation anticipée aux alentours de 2%, cela signifie une dizaine de milliards d’euros d’économies supplémentaires, selon les calculs de Matignon.

Pourtant, la France pourrait facilement trouver des ressources fiscales jusqu’ici insuffisamment exploitées. C’est la conclusion de l’ONG Transport & Environnement (T&E) qui publie jeudi une étude sur les conséquences d’une hausse de la taxe sur les billets d’avion pour le budget du pays. Comment ? Simplement en imitant nos voisins européens, Grande-Bretagne, Allemagne et Pays-Bas en tête.

2,6 euros en France, 29 euros aux Pays-Bas

Transport & Environnement

En France, chaque voyageur en classe économique paie 2,6 euros de taxe pour un vol à l’intérieur de l’Europe. En Allemagne, cette somme est de 15,5 euros ; en Grande-Bretagne, de 15,4 euros et aux Pays-Bas, de 29 euros. Selon T&E, « ce niveau de taxation est dérisoire comparé à ceux pratiqués par plusieurs autres pays européens« .

Même constat pour les vols hors UE : la taxe est de 7,50 euros pour chaque voyageur en France, contre 70,8 euros en Grande-Bretagne et 109 euros en Allemagne. Pour les Pays-Bas, elle est identique à la somme sur les vols intérieurs (29 euros). En 2024, cette taxe a rapporté 0,45 milliard d’euros à la France, 2 milliards à l’Allemagne et 5,26 milliards au Royaume-Uni.

21 milliards de recettes d’ici à 2030

Transport & Environnement

Selon les calculs de T&E, si la France s’alignait sur la Grande-Bretagne, cela rapporterait chaque année 3,5 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires au budget de l’État. « D’ici à 2030, c’est 21 milliards d’euros de recettes supplémentaires qui pourraient être dégagés« , calcule l’ONG.

« C’est un vieux débat en France et depuis de nombreuses années. Tous les partis de gauche ont déposé des amendements en ce sens, mais ils ont toujours été rejetés », explique Jérôme du Boucher, expert aviation chez T&E. « Nos voisins européens ne connaissent pas ces débats : cette taxe est régulièrement relevée pour augmenter les recettes fiscales.« 

La crainte du secteur aérien en France ? Qu’une hausse ne fasse diminuer le trafic, et donc baisser le chiffre d’affaires. Mais selon T&E, cela n’a pas été observé chez nos voisins européens. « Ces dernières années, le prix des billets d’avion a augmenté, en France aussi, et le nombre de voyageurs n’a pas diminué », tempère aussi Jérôme du Boucher. « En France, ce débat revient vite à dire qu’on veut tuer le secteur. Ce n’est vraiment pas le sujet. Notre étude montre ce qu’il est possible de faire et ce qui est absorbable par le secteur. »

Faire payer les plus riches

En comparant la situation de la France aux autres pays européens, l’ONG veut « dépassionner » le débat autour de l’aviation et de tout scénario de taxe supplémentaire ; les choix de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne pouvant s’appliquer chez nous de façon « pragmatique ».

Dernière recommandation de l’ONG : taxer de manière uniforme les jets privés. « Actuellement, les vols en jets privés opérés par des compagnies spécialisées ne paient pas de taxe sur le kérosène », rappelle Jérôme du Boucher. Taxer les jets privés ne représenterait pas une manne gigantesque – environ 120 millions d’euros – mais, rappelle l’expert, « il est important de veiller à la progressivité des mesures dans toute décision fiscale ». « Il est essentiel que les plus aisés soient mis à contribution à hauteur de leurs moyens », défend l’organisation.

Cette hausse vise aussi, pour l’ONG, à envoyer un signal « que le secteur aérien doit payer le juste prix pour ses émissions de CO2 et sa pollution ». Et si elle n’indique pas dans son étude la destination de ces recettes fiscales supplémentaires, l’ONG a, d’ores et déjà, pris position par le passé. 

 « Nous suggérons d’affecter cette taxe à la transition écologique des transports, en substituant l’aviation par le train par exemple », précise l’expert. « Mais également pour financer le développement de solutions technologiques pour décarboner l’aviation, comme les carburants de synthèse.«  Si la perspective d’y arriver est à long terme, les projets industriels doivent en effet être lancés dès aujourd’hui, plaide Transports & Environnement.


Marianne ENAULT

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