La délinquance des mineurs est devenue la priorité du ministère de l’Intérieur.
Depuis 20 ans, la France a construit des centres éducatifs fermés, pour leur offrir une dernière chance.
Sont-ils plus efficaces que les prisons pour mineurs ? Une équipe de TF1 s’est immergée dans le quotidien du centre de Bergerac.

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Violences chez les jeunes : un phénomène qui inquiète de plus en plus

« Sérieux, ouvre tes yeux et tes oreilles, (…) franchement, c’est pénible ». S’imposer face à des personnalités imprévisibles, c’est le quotidien de Monia, éducatrice dans le petit centre de Bergerac (Dordogne). Aujourd’hui, elle anime tant bien que mal un atelier sur la citoyenneté. Ces douze jeunes, âgés de 16 à 18 ans, sont placés ici sur décision d’un juge pour six mois renouvelables. 

« On essaie de leur apprendre dès le départ les codes sociaux, parce qu’il y en a beaucoup qui ne les ont pas. Ils ne savent pas se tenir », explique l’éducatrice dans le reportage du 20H ci-dessus, « il faut tout reprendre depuis le début ». À l’écart de la ville de Bergerac, voici l’un des 55 centres éducatifs fermés français. Les jeunes placés ici ont commis des agressions, des vols avec arme, vendu des stupéfiants. Certains sont multirécidivistes. 

J’ai un peu peur pour la suite, j’ai peur de ce que je vais devenir.

Julie, 16 ans

Grillage, caméras de surveillance… Cette structure, ouverte en 2022, est le dernier échelon avant la prison. Chaque matin, Stéphane assure la revue des chambres. Les jeunes sont sous la surveillance permanente de 27 adultes qui se relaient. Téléphone portable interdit, horaires stricts, ils doivent respecter un règlement intérieur. « C’est le cadre de la journée, le cadre de leur avenir, dans leur travail de plus tard, on se lève à l’heure, on range sa chambre », estime l’éducateur.

Julie, 16 ans, est au centre depuis un an. Son placement touche à sa fin, et elle appréhende le retour chez elle. « J’ai un peu peur pour la suite, j’ai peur de ce que je vais devenir », confie l’adolescente au micro de TF1. « chez moi, ma mère ne va pas me priver de sortir, c’est pas aussi cadré. Des fois, c’est chiant, mais c’est pour notre bien ». Comme Julie, presque tous sortent d’une enfance chaotique avec des parents absents ou dépassés. 

Bénévolat

Le lien avec leur famille n’est pas rompu pour autant. Trois fois par semaine, avec un unique téléphone fixe, ils peuvent appeler leurs proches. « Quand on arrive ici, on s’en rend pas compte encore. On va passer une nuit, deux nuits. Et après, on réalise qu’en fait, on est vraiment enfermés, loin de sa famille, tout ça », raconte un des jeunes. « Pourquoi j’ai fait ça au lieu de faire un autre truc », s’interroge-t-il, « je l’aurais su, ce soir-là, je ne serais même pas descendu de chez moi »

Cours, sport, activités, chacun doit suivre un planning chargé. L’un des objectifs du centre est la réinsertion. La plupart des jeunes font des stages ou du bénévolat à l’extérieur, comme Rémi, qui participe à une distribution alimentaire. « Ma mère, elle allait aux Restos du Cœur, quand il n’y avait rien à la maison, elle allait aux Restos, c’est ça qui me fait bizarre », témoigne-t-il. Le jeune homme voit aujourd’hui la scène sous un autre angle : « Ça me fait plaisir de voir les gens, quand je leur donne, les sourires sur leurs visages »

« On se plaint, mais on est mieux ici qu’en détention provisoire »

De retour au centre, Rémi a rendez-vous avec la psychologue. Elle suit chacun des jeunes placés, notamment pour les faire réfléchir sur la raison de leur passage à l’acte. « On a des jeunes qui ont des troubles anxieux, des dépressions. Il y a des jeunes qui ont des addictions. Il y a des jeunes qui ont des troubles psy plus importants », affirme Caroline Le Brun. 

Au quotidien, les tensions entre adolescents instables ne sont pas rares, mais ils le savent, en cas d’incident grave, ils risquent la prison. « On se plaint, mais on est mieux ici qu’en détention provisoire », reconnaît une adolescente au micro de TF1. « Oui, parce que c’est vrai que la prison, c’est dur, moi, je n’ai pas envie d’y retourner », abonde une autre. 

La plupart d’entre eux sont placés ici dans l’attente de leur jugement. Si le placement se passe bien, le magistrat peut en tenir compte. Juge des enfants, Marie-Laure Duflos est particulièrement attentive au comportement des mineurs placés qu’elle suit. « On va regarder comment le jeune s’implique et s’insère au sein de ce collectif, quels efforts il va mettre en œuvre, parce que nous, ce qu’on souhaite, c’est qu’il s’insère, qu’il puisse avoir soit une formation, soit reprendre le chemin de l’école », résume-t-elle. 

Les centres éducatifs fermés sont-ils plus efficaces que les prisons pour mineurs ? Aucune étude n’existe sur la récidive des jeunes à leur sortie. Mathias, lui, a quitté le centre de Bergerac l’année dernière. Il a réussi à trouver un stage et aimerait devenir chauffeur de bus. « Il y a un vrai suivi, tu as une psychologue. On peut se confier à tout le monde, et ça, c’est bien », apprécie le jeune homme, « je sais que ça a été un déclic, parce que je pense que je ne serais pas autant motivé à bien réussir dans ma vie (…). Ça m’a donné une vraie force, une vraie motivation »

À lui seul, le centre de Bergerac reçoit plus de 300 demandes de placement par an, pour seulement 12 places. La France compte 55 centres éducatifs fermés, 22 ans après la création de ce dispositif par la loi Perben I, qui accueillent au total 455 mineurs.

La rédaction de TF1info | Reportage : Léa MERLIER, Héloïse LÉVÈQUE, Frédéric JOLFRE

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