- Alors que le pays traverse une grave crise sociale, des manifestations anti-immigration sont organisées tous les samedis depuis plusieurs semaines au Royaume-Uni.
- Le fonctionnement de la politique migratoire exaspère de plus en plus, malgré une baisse du nombre de demandeurs d’asile.
- La haine anti-migrants bénéficie à un homme en particulier, le populiste Nigel Farage.
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Les enquêtes de FX
« Arrêtez tous les bateaux », peut-on lire sur un drapeau. Au pied de la mairie de Birmingham, une cinquantaine de manifestants évoquent ce qu’ils appellent la menace existentielle des migrants. « On va rendre nos rues libres, on va rendre sa dignité à nos habitants, et grâce à Dieu, on va récupérer notre terre »
, lance Tom King, membre du mouvement d’extrême droite « Homeland Party ». « Je ne veux pas voir des migrants se faire juste taper sur la main parce qu’ils ont violé des femmes »
, nous lance-t-il. « Ça, ce n’est pas une généralité, ce sont souvent des fake news, vous le savez »
, lui rétorque notre journaliste. « Dans beaucoup de cas, c’est vrai, mais le gouvernement nous cache la réalité »
, rétorque le militant.
Ces arguments fallacieux sont ceux de l’extrême droite, qui organise cette mobilisation. On y parle de remigration, on réclame plus de droits pour les habitants locaux. Sur les prospectus distribués aux passants, la promesse est de très bientôt reprendre le pouvoir face aux immigrés. « On devrait mettre les migrants dans des camps. Je ne dis pas qu’il faut que ce soit des camps de concentration, quand même pas. Il faut créer des lieux où on pourra enquêter sur qui ils sont »
, nous lance un des militants présents à la manifestation. Il nous montre sur ton menaçant sur son portable une liste d’une quarantaine de sans-papiers sur sa commune, avec leurs noms et leurs adresses. De l’autre côté du trottoir, nous rencontrons Nassima, britannique d’origine indienne. « Je ne vais pas rester enfermée chez moi et avoir peur de sortir. À un moment, il faut se demander pourquoi ces migrants viennent ici en bateau au péril de leur vie »
, dit-elle. La manifestation est terminée. Ce couple, qui n’était jamais descendu dans la rue jusqu’alors, dit que le pire est peut-être à venir. « Je pense qu’il va y avoir des émeutes. Les gens vont vouloir se faire justice par eux-mêmes. Et c’est là que ça va devenir moche. Mais je sais que chez vous, en France, vous n’en voulez pas non plus, des migrants »
, craint l’homme à notre micro.
La crise migratoire en Grande-Bretagne, c’est d’abord un nombre record de demandeurs d’asile. Or, les autorités ont l’obligation de les héberger. Faute de structure adaptée, ce sont les hôtels qui sont sollicités. Mais le coût est énorme, plus de 5 milliards d’euros par an, et cela choque de plus en plus d’habitants. « Si on regarde le nombre de demandeurs d’asile qui sont pris en charge dans des chambres d’hôtels aujourd’hui en Grande-Bretagne, ils sont 32.000. Un chiffre en nette diminution par rapport à il y a deux ans, où ils étaient 56.000 dans tout le pays »
, explique notre journaliste François-Xavier Ménage.
Autrement dit, les prises en charge sont moins nombreuses qu’avant et pourtant, le climat s’envenime. Même ces commerçants, originaires du Pakistan, soutiennent le mouvement anti-migrants. « Personne ne sait quel est le passé de ces migrants, quelle est leur situation. Je ne les apprécie pas, on n’en veut pas »
, dit-il.
Cela fait maintenant deux mois que la Grande-Bretagne (nouvelle fenêtre) est divisée sur le sujet. Les pros et anti-migrants s’affrontent lors de manifestations parfois musclées. La contestation a démarré à Epping, au nord de Londres, suite à l’agression sexuelle d’une adolescente de 14 ans par un migrant. L’hôtel où il était pris en charge est ceinturé par des grilles de protection. L’individu, depuis, est passé devant le tribunal, mais les tensions persistent. « Cet homme a été inculpé, jugé et sera expulsé. C’est bon, c’est fini ! Ce n’est pas la faute des autres migrants, l’atmosphère est vraiment terrible en ce moment »
, déplore une habitante exaspérée.
Cette atmosphère délétère bénéficie particulièrement à un homme, le créateur du Brexit, le populiste Nigel Farage (nouvelle fenêtre). En ce moment, il fait largement la course en tête dans les sondages. « Nous sommes le parti patriotique, nous sommes le parti qui défend les honnêtes travailleurs et nous sommes le parti en plein essor »
, lance à la tribune Nigel Farage. À la sortie de son dernier meeting, un Écossais de 67 ans que nous avons rencontré est conquis. « Farage va faire avec la Grande-Bretagne ce que Trump a fait pour les États-Unis. On a besoin d’un homme politique fort, qui a des valeurs et qui se battra pour nos droits »
, espère l’homme. Autour de ce meeting, on retrouve les mêmes slogans qu’aux États-Unis, « Libérez nos rues ! » et « Rendez sa grandeur à l’Angleterre ».