Un consortium américain mené par BlackRock a annoncé mardi 4 mars le futur rachat des deux ports situés aux entrées du canal de Panama.
Une opération économique d’envergure qui intervient dans un contexte où Donald Trump ne cesse de répéter que Washington « va reprendre » ce cours d’eau reliant l’océan Pacifique à l’océan Atlantique.
Une opération financière d’envergure. Mardi 4 mars, un consortium américain a annoncé un accord de principe avec le géant hongkongais Hutchison pour le rachat de plusieurs dizaines de ports, notamment les deux situés aux entrées du canal de Panama. Cette transaction survient dans un contexte géopolitique particulièrement agité, marqué par les déclarations à répétition de Donald Trump concernant cette voie d’eau internationale cruciale.
Qu’est-ce qui a été racheté ?
Selon l’accord de principe, le consortium américain mené par BlackRock – et dans lequel on retrouve aussi Global Infrastructure Partners (GIP) – doit acheter 90% des parts de Hutchison Ports PPC, qui gère les ports situés aux deux extrémités du Canal de Panama, celui de Cristobal, du côté de la mer des Caraïbes et de l’océan Atlantique, et celui de Balboa, du côté de l’océan Pacifique. En parallèle, il doit aussi mettre la main sur 80% d’une filiale détenant et administrant 43 ports, comprenant 199 postes d’amarrage, dans 23 autres pays (mais pas en Chine ou à Hong-Kong). In fine, concrètement, BlackRock et ses associés vont prendre le contrôle de l’ensemble de ces infrastructures.
Dans le détail, les deux parties sont entrées dans une période de négociations exclusives de 145 jours. Si tout se passe comme prévu, le conglomérat américain devrait débourser, à l’issue du processus, près de 19 milliards de dollars (17,6 milliards d’euros), en incluant une dette nette de 5 milliards de dollars (4,6 milliards d’euros).
Cette opération est « clairement dans le meilleur intérêt des actionnaires » du groupe hongkongais, affirme Franck Sixt, un responsable de CK Hutchison. « Je voudrais insister sur le fait que la transaction est de nature purement commerciale et totalement sans rapport avec les récentes informations de presse en matière politique concernant les ports du Panama. Elle est le fruit d’un processus rapide, discret mais compétitif au cours duquel de nombreuses offres et marques d’intérêt ont été reçues », souligne-t-il encore. Les marchés accueillent, en tout cas, l’opération favorablement : l’action de CK Hutchison a bondi de jusqu’à 25% mercredi à la Bourse d’Hong Kong.
Comment réagissent le Panama et Donald Trump ?
La nouvelle de cette cession à venir a été accueillie très différemment à Panama et Washington. « Pour renforcer encore notre sécurité nationale, mon administration va reprendre le canal de Panama, et nous avons déjà commencé à le faire », a affirmé Donald Trump mardi, lors d’une allocution devant le Congrès. Une référence directe à cet accord. Une sortie qui s’inscrit dans la continuité de ses déclarations successives depuis son retour à la Maison Blanche. En janvier dernier, il avait notamment assuré que « la Chine exploite le canal de Panama […] et nous allons le reprendre ». Or, en réalité, cette voie d’eau est gérée et administrée par l’Autorité du Canal de Panama, un organisme indépendant créé par la Constitution panaméenne.
Le gouvernement panaméen indique, lui, qu’« il s’agit d’une transaction mondiale, entre entreprises privées, motivée par des intérêts mutuels ». « Une fois de plus, le président Trump ment. Le canal de Panama n’est pas en cours de restitution », martèle le président panaméen José Raul Mulino sur X.
Pourquoi le canal est stratégique ?
Inauguré par les États-Unis en 1914 après un investissement de 375 millions de dollars – le plus important de l’histoire du pays à l’époque -, le canal de Panama relie l’océan Pacifique à la mer des Caraïbes, puis à l’océan Atlantique. Ces 51 milles (environ 80 kilomètres) qui traversent l’isthme centre-américain permettent d’éviter le contournement du cap Horn et de raccourcir les traversées de plusieurs milliers de kilomètres. Sa situation géographique fait de ce cours d’eau un nœud clé du commerce maritime mondial – entre 4% et 5% y transite chaque année. C’est encore plus important côté américain, puisque près de la moitié (environ 40%) du trafic de conteneurs des États-Unis y passe.
Sur le plan économique, la gestion du canal du Panama se révèle particulièrement lucrative. Chaque navire l’empruntant doit en effet s’acquitter d’un droit de péage, lequel est calculé en fonction de sa contenance et du type de cargaison. En 2024, les bénéfices totaux du canal se sont chiffrés à près de 5 milliards de dollars. De quoi en faire un élément clé de l’économie panaméenne. Près d’un quart du revenu annuel du pays est généré par le canal et les entreprises qui fournissent des services liés aux opérations du canal, a révélé IDB Invest dans une étude parue en décembre dernier. À noter que d’importants travaux entre 2007 et 2016 ont permis d’adapter les installations aux porte-conteneurs transportant 15.000 conteneurs (EVP), lui donnant une importance encore accrue à l’heure du gigantisme naval.
Enfin, aux yeux des Américains, la valeur du canal de Panama est également historique. Après l’avoir construit, Washington a assuré un contrôle total ou partiel pendant près d’un siècle. Il a fallu attendre 1999, soit plus de vingt ans après la signature des accords bilatéraux Torrijos-Carter, pour voir le Panama récupérer le contrôle exclusif de « son » canal.