Comment lutter contre le trafic de drogue ? Doit-on mener une guerre frontale contre des ennemis surarmés ? Au Mexique, pays gangrené par les cartels, la question se pose avec d’autant plus d’acuité que c’est ce type de combat qui a été mis en place depuis 2006 par l’ancien président conservateur Felipe Calderon. Mal élu sur fond d’accusations de fraude, le chef de l’Etat veut légitimer son pouvoir à travers une guerre sans merci contre le crime organisé.

Dix-huit ans plus tard, et alors que le président actuel, Andres Manuel Lopez Obrador (gauche, dit « AMLO ») – en dépit de ses promesses d’« abrazos, no balazos » (« des embrassades, pas des fusillades ») – a accéléré la militarisation du pays, le bilan de ce choix est sans appel : 450 000 morts, 100 000 disparus et une multiplication de cartels toujours plus violents, à la force de frappe décuplée, qui ne se contentent plus du trafic de drogue mais ont diversifié leurs activités avec le trafic d’êtres humains, la cybercriminalité ou le vol de pétrole.

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Ce sont ces dix-huit ans que le journaliste Frédéric Saliba, qui a été correspondant du Monde au Mexique entre 2009 et 2022, retrace dans son livre Cartels. Voyage au pays des narcos (Rocher, 414 p., 19,90 €). « Dix-huit ans de crise sécuritaire plus tard, ces cinq têtes me sembleront tristement banales », écrit-il au début de son ouvrage au sujet de la décapitation de cinq personnes, en septembre 2006, sur une piste de danse à Uruapan, qui marque le début du massacre.

De la « Chapomania » autour de l’ancien dirigeant du cartel du Sinaloa Joaquin « El Chapo » Guzman, jusqu’à la militarisation du pays par AMLO, en passant par l’affaire Florence Cassez et ce qu’elle dist des méthodes de Genaro Garcia Luna – l’architecte de la guerre contre la drogue qui était finalement de mèche avec les narcos – et des dérives de la politique sécuritaire de Felipe Calderon, l’auteur raconte un pays qui sombre dans l’extrême violence, la corruption et la narcopolitique.

« Mexicanisation » du narcobanditisme français

Avec, en toile de fond, une certitude : le manque de volonté de Mexico et de Washington de véritablement éradiquer le trafic de drogue. Et pourtant. Dans son dernier chapitre, intitulé « Un pied en Europe », Frédéric Saliba élargit l’horizon et alerte sur le boom des drogues de synthèse en France, sur la multiplication des laboratoires clandestins sur le sol européen et sur une possible « mexicanisation » du narcobanditisme français.

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Mais il rappelle ce terrible sondage publié par le CSA en juillet : sept Français sur dix soutiennent une intervention de l’armée contre le trafic de drogue dans les quartiers difficiles. « Le mythe de Sisyphe (…) me vient à l’esprit. N’est-il pas temps, s’interroge le journaliste, d’analyser les erreurs commises par le Mexique et les Etats-Unis pour éviter que la France ne soit aussi victime à son tour d’une vague de violence aussi ingérable ? »

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