Christophe Girard, enquêteur à la brigade des Stups de la police judiciaire, était l’invité d’Audrey Crespo-Mara dans « Sept à Huit » ce dimanche.
Après plus de vingt ans comme policier de terrain à la BAC (brigade anticriminalité) de Paris, il a tenté de se suicider à deux reprises.
Il livre un témoignage rare dans cette interview à retrouver ici en replay.

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Sept à huit

Une violence qu’il vivait au quotidien, et une mort qu’il frôlait trop souvent. Après plus de 20 ans de service, Christophe Girard, policier de terrain à la BAC (brigade anticriminalité) de Paris, souhaitait tout arrêter. À l’âge de 41 ans, marié et père de deux enfants, il a tenté de mettre fin à ses jours. « Je suis au volant de ma voiture, armé, et je le pose à un endroit où je suis sûr que ça va agir [sous le menton, NDLR] », raconte-t-il, la gorge nouée, à Audrey Crespo-Mara. Et d’ajouter : « Ce sont des années et des années de souffrance dues à toutes ces interventions qui m’ont marqué malgré moi ». 

Je passe des nuits entières, sans dormir, à revivre des choses

Christophe Girard

Pourtant, Christophe rêvait d’être policier depuis son enfance, comme il le raconte dans l’entretien à retrouver en tête de cet article. « C’était des décharges d’adrénaline qu’on ne peut pas imaginer. Il y a des courses poursuites, des interpellations. Ça peut aller du vol de sac à mains de la petite mamie à un viol sous la menace d’une arme en direct. Certains n’ont pas de limite… », détaille le policier. Christophe Girard est régulièrement confronté à la mort. Il se souvient : « Un individu trouve son ex au lit avec son copain actuel. Par jalousie, il lui fracasse le crâne à coups de machette. Au moment où on tente d’entrer, on détecte une odeur d’essence. L’individu allume un briquet, et tout prend feu », décrit-il, les yeux rouges et le regard figé. Christophe perdra une partie de son ouïe dans l’explosion.

Le policier constate être confronté à des personnes de plus en plus déterminées. « Maintenant, ils ouvrent le feu à la kalachnikov sur les véhicules de police, on se sent tout petit en face », affirme le policier. « C’est une fois que les choses sont passées qu’on se dit que là, on a eu chaud. Je passe des nuits entières, sans dormir, à revivre des choses », confie Christophe. « Je pensais pouvoir effacer ça de ma mémoire, mais comme au restaurant, il y a un moment où il faut passer à l’addition. Et c’est là que ça se complique », poursuit-il. 

Autre conséquence : Christophe rencontre désormais des difficultés pour se rendre dans certains lieux publics. « Quand il y a beaucoup trop de monde, comme en concert, je ne peux plus y aller, car je n’arrive pas à maîtriser tous les gens qui sont autour de moi », raconte le policier qui préfère au terme de paranoïa celui d’« hyper-vigilance » : « Je sais que le danger peut venir de partout, et je sais qu’il peut nous surprendre à n’importe quel moment. C’est pour ça que je suis tout le temps sur le qui-vive », insiste-t-il dans l’interview ci-dessus. 

Christophe ne parle jamais de ses émotions avec ses coéquipiers. « Je me suis longtemps caché, jusqu’à ce que je ne puisse plus me maîtriser », explique-t-il. « J’étais très souvent au travail, de nuit, de jour… Quand j’étais là, j’étais en colère. J’étais invivable », déplore-t-il. À tel point que sa femme a manifesté sa volonté de le quitter. « Ce fichu métier m’a tout pris, jusqu’à ma femme et mes enfants », tranche le policier, les larmes aux yeux. 

Il raconte sa première tentative de suicide. « Je suis tout seul chez moi, et je mélange somnifères et une bouteille d’alcool fort », se souvient-il péniblement. Son collègue, recevant des messages inhabituels, décide de se rendre chez Christophe et d’alerter son épouse. Vient ensuite la deuxième tentative dans sa voiture, avec son arme de service. « Voir mon chien me regarder avec ses yeux remplis de questions… Il m’a ramené à la vie. C’est comme si je m’étais réveillé d’un état second, et je me suis dit ‘mais qu’est-ce que je suis en train de faire ?' », se rappelle le flic. 

Aujourd’hui, Christophe dit aller beaucoup mieux, mais sa descente aux enfers est loin d’être isolée. Chaque année, on compte en moyenne 45 suicides dans la police, soit deux fois plus que pour l’ensemble de la population française, indique celui qui est désormais enquêteur à la brigade des Stups de la police judiciaire. « J’ai perdu plus de collègues à cause du suicide que sur des interventions difficiles », constate-t-il. 


M.T | Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara

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