William Banks est professeur émérite de droit à l’université de Syracuse et y a fondé l’Institut de politique et de droit de la sécurité. Il est également rédacteur en chef du Journal of National Security Law & Policy, et auteur de Soldiers on the Home Front : The Domestic Role of the American Military (Harvard University Press, 2016, non traduit). Il analyse la décision de Donald Trump de déployer la Garde nationale à Los Angeles contre l’avis du gouverneur de Californie, une situation que les Etats-Unis n’avaient pas connu depuis soixante ans.

Trump a déployé la Garde Nationale à Los Angeles, où se déroulent depuis quelques jours des manifestations contre l’intervention de l’ICE, la police de l’immigration. En temps normal, le président n’a pas ce pouvoir sur la Garde nationale, qui relève des gouverneurs de chaque Etat. Comment s’explique cet ordre des choses ?

Les Américains ont été déterminés à se battre pour leur indépendance en grande partie parce que le roi d’Angleterre, George, avait utilisé l’armée anglaise de manière très dure dans les colonies. Ils traitaient les citoyens avec mépris, saccageaient leurs maisons. Ils effectuaient des perquisitions sans mandat, procédaient à des arrestations arbitraires. La Déclaration d’indépendance énumérait ces abus dans la liste des griefs des Américains contre les Anglais : le roi George « a voulu rendre le pouvoir militaire indépendant et supérieur au pouvoir civil », peut-on lire. Lors de la mise en place de notre gouvernement, chaque Etat avait sa propre milice. Ces milices ont évolué au fil du temps pour devenir ce qu’on appelle aujourd’hui la Garde nationale – une force de réserve de l’armée qui est sous le commandement du gouverneur de chaque Etat.

A quel titre Trump a-t-il donc dérogé à cette règle ?

Il existe toutefois des circonstances exceptionnelles dans lesquelles ces forces peuvent être fédéralisées par le président des Etats-Unis. Donald Trump a fait valoir qu’il en avait le droit en vertu d’une loi fédérale qui permet au président d’assurer la protection des biens fédéraux. La Garde nationale a donc été déployée essentiellement pour protéger les bâtiments fédéraux qui auraient pu être endommagés ou attaqués d’une manière ou d’une autre par les manifestants à Los Angeles, ainsi que les employés fédéraux civils chargés d’appliquer les lois sur l’immigration. C’est donc strictement une opération de protection. Il est important de noter que les forces de la Garde nationale ne sont pas autorisées à faire respecter la loi. Elles ne peuvent le faire que si elles sont déployées sur ordre du gouverneur. Elles pourraient alors contenir les émeutes, et réprimer tout comportement allant au-delà de l’exercice pacifique des droits garantis par le Premier Amendement. Si vous regardez les images des membres de la Garde nationale, ils sont essentiellement debout sans rien faire. Nous avons cette tradition aux Etats-Unis de maintenir l’armée à l’écart des opérations de maintien de l’ordre.

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