Vingt-trois millions de Français vivent en copropriété.
Mais partager un même lieu avec des dizaines de voisins n’est pas toujours une sinécure.
Le magazine de TF1 « Reportages Découverte » a suivi un gestionnaire de syndic, qui témoigne de ces petites querelles du quotidien.

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Reportages Découverte

Pour les vingt-trois millions de Français qui vivent en copropriété, il n’est pas si simple de maintenir l’harmonie entre voisins. Quand quelques-uns tentent de faire respecter le règlement intérieur avec la plus grande rigueur, cela ne manque pas d’échauffer les esprits d’une poignée d’autres. Ce qui suppose de maîtriser l’art de la diplomatie. C’est là qu’intervient le personnage du syndic, qui doit jongler entre la nécessité de bien s’entendre et les petits travers de tout un chacun. 

Gilles Frémont exerce cette profession depuis 20 ans à Paris. Son travail est d’exécuter les décisions votées et payées par les copropriétaires. Durant son périple d’immeuble en immeuble, et donc de problèmes en problèmes, il a été suivi par le magazine Reportages Découverte. Sur le terrain, il doit par exemple s’assurer du bon déroulement d’un ravalement de façade. Vérifier que les travaux avancent bien et qu’ils ne nuisent pas aux habitants de l’immeuble. Tout en sachant que si cette remise en état se déroule sans encombre, personne ne le remerciera. En revanche, si cela se passe mal, ce sera forcément de sa faute. 

Est-ce qu’ils sont en train de m’envoyer des mails pour dire que les ouvriers font trop de bruit, qu’il y a trop de poussière ?

Gilles Frémont, syndic parisien

Parmi les 15.000 gestionnaires qui exercent ce métier si particulier, rares sont les syndics à accepter d’en parler. Gilles Frémont, lui, aimerait donner une meilleure image du rôle ingrat qu’il doit parfois jouer. Souvent, seul contre tous. Assis en haut de cet immeuble en ravalement, il se demande : « Est-ce qu’ils sont en train de m’envoyer des mails pour dire que les ouvriers font trop de bruit, qu’il y a trop de poussière ? Ça, je le verrai en rentrant », lance-t-il dans la vidéo visible en tête de cet article, « Copropriétés, la guerre des clans », diffusée le week-end dernier sur TF1 (à retrouver également en streaming sur TF1+).

Gilles Frémont a pris le parti de s’en amuser. Il va même jusqu’à compiler dans un cahier toutes les coulisses et les petits travers de cette micro société ramenée à une cage d’escalier. « Ce petit carnet ne me quitte jamais. Je l’ai toujours avec moi, j’y note des anecdotes de mon boulot, parce qu’on en voit tous les jours. Un sac-poubelle qui traîne sur un palier, une étiquette de boîte aux lettres qui n’a pas été remplacée depuis trois semaines, alors que toute la batterie est nickel », détaille-t-il. 

Et de poursuivre : « Là, j’étais en train de noter l’assemblée générale d’hier. À l’ordre du jour, il était question d’installer dans le hall une petite main courante pour les personnes âgées pour monter l’escalier. Cela a engendré une demi-heure de débat, de palabres, sur la couleur, sur la longueur de la main courante. À croire que la main courante, c’est une question de vie ou de mort », ironise-t-il.

Des anecdotes savoureuses

De retour à son bureau, Gilles ne peut s’empêcher de partager avec ses collègues ses anecdotes savoureuses où l’âme humaine s’exprime dans toute sa splendeur. Il en a même tiré un livre : Vis ma vie de syndic (éditions Edilaix). « Hier soir encore, c’était folklo. En plein mois d’août, il y a un dégât des eaux et tu te demandes pourquoi chez madame Machin, il y a sa fourrure à 40.000 balles posée au milieu du salon qui évidemment a été endommagée. Elle montre la fourrure à l’expert et dit : ‘regardez, il y en a pour 3.000 balles de pressing’. Mais en plein mois d’août, que faisait sa fourrure sur la table, comme si c’était une nappe ? La copropriété est un puits sans fond », lâche-t-il, mi-amusé, mi-désabusé.

Mais trêve de plaisanterie, une nouvelle assemblée générale se prépare. Manon, une apprentie syndic, va aider Gilles à organiser la salle. Elle est à bonne école pour se familiariser avec les astuces du métier. « On va installer les chaises en mode théâtre parce que je pense qu’ils seront une petite quinzaine », lui indique-t-il, avant de lui préciser une chose. « Ces chaises-là sont anciennes, mais elles ont vu à peu près 30 ans d’assemblées générales et elles ne bougent pas. Et il vaut mieux parce qu’ils sont souvent très agités sur leur chaise. Donc, il vaut mieux avoir du bon matériel ». D’autant qu’une AG, c’est un peu comme au rugby, nul ne sait comment la partie va se dérouler, mais il faut un plan de jeu et sur le terrain, répartir les joueurs en fonction de leur profil. 

L’autre étape va donc consister à placer les bonnes personnes au bon endroit. « Comme tous les ans, l’opposant va se mettre au fond de la salle », souligne Gilles Frémont. C’est ainsi dans toutes les AG. « Parce que, comme ça, ils lèvent la main, ils font des réflexions un petit peu à l’emporte-pièce, mais c’est pas grave. C’est le jeu. Il y en a qui viennent clairement pour te chercher », assure-t-il, avant de montrer un petit fauteuil moelleux. C’est là qu’il va installer « celui qui un petit peu nerveux, celui qui veut en découdre ». « On se dit que cette personne qui est déjà raide, si on la met dans un fauteuil, elle va peut-être se modérer, s’assouplir un peu, voire s’endormir », plaisante-t-il. 

Enfin, il y a l’arme secrète du syndic : son chat. « C’est la petite atmosphère ouatée de l’assemblée générale. Les animaux, c’est apaisant. Je pense que tous les syndics devraient s’acheter un chat. Il connaît tous les secrets des assemblées générales des copropriétaires », avance Gilles. Face à la mêlée, le syndic le sait, il sera seul. « On commence à sentir la pression monter », lance-t-il, alors que les premiers copropriétaires arrivent. Mais est-ce la présence de la caméra de TF1 au cours de cette AG qui s’annonçait tendue ? Finalement, les débats seront feutrés. Aucun éclat de voix, aucune polémique et donc aucune nouvelle anecdote dans le petit carnet secret de Gilles, le syndic. 

Virginie FAUROUX | Reportage : Sophie RABILLER et Vincent FERREIRA

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