Le message, posté sur le site Sci-Hub, est signé d’une dermatologue tunisienne : « Je veux vous remercier de permettre aux médecins d’accéder à la recherche scientifique médicale gratuitement, surtout dans les pays en développement. » « L’aide que vous avez apportée aux autres est inestimable, je ne doute pas que vous ayez sauvé des vies », surenchérit une chirurgienne galloise. Un interne turc en orthopédie, lui, ne s’encombre pas de périphrases : « Vous méritez un p***** de prix Nobel ! »

La bénéficiaire de cette effusion de gratitude est une informaticienne kazakhe : Alexandra Elbakyan, fondatrice de Sci-Hub, un site de piratage scientifique ou, en termes plus policés, une « bibliothèque de l’ombre », qui met à disposition des millions d’articles scientifiques sans le moindre frais. D’où le surnom de la jeune femme : la « Robin des Bois de la science ».

Cet outil, Alexandra Elbakyan a commencé à l’élaborer pour son usage personnel, en 2011. Alors étudiante en neurosciences, elle bloque sur la rédaction de son mémoire, incapable de s’acquitter des 30 ou 40 dollars qu’exigent les revues pour donner accès à chacun de leurs articles. C’est l’acte de naissance de Sci-Hub, nouvelle planète dans une galaxie où orbitent alors déjà d’autres « bibliothèques », telles que les sites russes Z-Library et LibGen – plus variés, ces derniers diffusent aussi des copies, à l’identique, de livres scientifiques ou de fiction. L’économiste hongrois Balazs Bodo, chercheur à l’université d’Amsterdam, y voit l’héritage du samizdat soviétique, un système de diffusion clandestin d’ouvrages interdits ou introuvables, souvent rendu possible, déjà, par des universitaires grâce à leur accès privilégié aux textes.

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