• Les Vérificateurs consacrent une série aux légendes urbaines et aux croyances populaires.
  • L’objectif : revenir sur ces rumeurs transformées en vérités au fil des années.
  • Cette semaine, nous nous intéressons à la légende de la « Dame blanche ».

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L’info passée au crible des Vérificateurs

Elle fait partie de ces récits qu’on adore raconter pour se faire peur. Partagée au coin du feu ou chuchotée sous les draps, la mystérieuse histoire de la Dame blanche a traversé les époques et les océans. Tantôt rumeur qui circule de bouche-à-oreille, tantôt histoire d’horreur qui inspire les films d’épouvante, elle est devenue la légende urbaine (nouvelle fenêtre) par excellence. Se transformant même en figure emblématique du paranormal.

Un fantôme devenu auto-stoppeuse

Si elle a traversé les âges, la Dame blanche n’a pas toujours eu la même signification. Malveillante ou protectrice, elle est présentée comme l’annonciatrice d’une sombre nouvelle ou la revenante condamnée à errer pour protéger les vivants. Quoi qu’il en soit, elle apparaitrait toujours sous la même forme. Celle d’une silhouette féminine, menue et vêtue d’une tenue entièrement blanche. C’est encore le cas aujourd’hui. 

Sur les réseaux sociaux, des dizaines d’internautes (nouvelle fenêtre) prétendent avoir rencontré cette figure fantomatique et sur TikTok, plus de 3.000 publications évoquent la « Dame blanche ». À chaque fois, la femme marche lentement sur le bas-côté d’une route de campagne (nouvelle fenêtre), de nuit, éclairée par la seule lumière des phares de la voiture ou d’un lampadaire. Début 2024, un jeune influenceur du sud de la France s’est filmé avec des amis alors qu’il « croisait la Dame blanche » en voiture. Une mise en scène vue plus de 1,6 million de fois, qu’il a réitérée l’année suivante, cumulant plus de deux millions de vues à travers trois clips.

Des vidéos reprennent le mythe de la Dame blanche – TikTok / Capture d’écran

Si les passants disent apercevoir cette silhouette sur leur trajet en voiture, c’est parce que dans son évolution la plus récente, la Dame blanche est devenue une auto-stoppeuse. Dans ce scénario, soit la jeune femme demande aux véhicules de s’arrêter, en pleine nuit, pour monter à bord, soit elle les laisse passer. Dans le premier cas de figure, elle lance un cri d’alarme à l’approche d’un virage dangereux, sauvant les passagers, puis disparaît brusquement de la banquette arrière. Dans le second, ceux qui croisent son chemin meurent de manière tragique dans un accident de la route (nouvelle fenêtre)

Du fait divers à la légende urbaine

C’est ainsi que le 20 mai 1982, quatre jeunes gens de Palavas-les-Flots ont défrayé la chronique. D’après leur récit, paru dans la presse à l’époque (nouvelle fenêtre), les Héraultais, âgés de 17 à 25 ans, rentraient d’une soirée en voiture lorsqu’ils ont accepté de prendre une quinquagénaire en auto-stop, peu après minuit. Au teint aussi blanc que sa tenue, elle annonce vouloir rejoindre Montpellier. Mais la situation bascule quelques minutes après, à l’amorce d’un passage particulièrement serré. La femme alerte d’une voix glaçante le conducteur contre le « virage dangereux » à venir. De plus en plus agitée, elle répète son avertissement, inquiétant l’ensemble du groupe, mais leur évitant de justesse un accident. Puis plus rien, évaporée. Les quatre témoins terminent alors leur route pour se rendre au poste de police de Montpellier et déclarer cette disparition invraisemblable.

Fait assez étonnant, cette déposition donnera lieu à une main courante, ce qui conduira à une forte médiatisation de l’affaire, avec un passage à la télévision (nouvelle fenêtre). Interrogé à l’époque, l’expert Vincent Melgoso, membre du laboratoire de parapsychologie de Toulouse, se disait « très sceptique » vis-à-vis de ce récit, regrettant « la retenue » des jeunes gens lorsqu’il avait essayé d’éclaircir certaines « marques de flou et contradictions » dans leur témoignage.

Si cette affaire a connu un retentissement national, on retrouve des histoires similaires dans l’ensemble de l’Hexagone. Dans le Calvados, voilà plus de quarante ans « que des témoignages concordent à dire qu’une dame tout de blanc vêtue apparaîtrait parfois sur la D7 », rappelle Ouest-France (nouvelle fenêtre). Le quotidien local évoque là encore une femme qui mettrait en garde contre la dangerosité d’un virage, théâtre de plusieurs accidents. Des récits semblables à ceux entendus « de Montpellier à la Vendée, en passant par Plougastel », comme l’écrivait en 1990 Frédéric Dumerchat dans un article sur « Les auto-stoppeurs fantômes » (nouvelle fenêtre). Dans tous les cas, les experts s’accordent à expliquer ces phénomènes par trois hypothèses : une hallucination, un canular ou de l’autosuggestion.

Cette légende fait figure de mise en garde devant une menace certaine

Martine Roberge, professeure d’ethnologie

Mais pourquoi cette rumeur est-elle toujours aussi tenace, se répétant de 1980 à nos jours ? Parce qu’elle répond parfaitement à un mécanisme bien connu de Martine Roberge. Professeure d’ethnologie à l’université Laval, au Canada, elle suit depuis près de 30 ans l’évolution des légendes (nouvelle fenêtre)dans les discours collectifs. Or, celle de la dame blanche exprime le besoin d’une « mise en garde collective devant une menace certaine ». « Ici, comme pour les faits divers, la légende urbaine a une fonction préventive, elle sert d’avertissement », analyse cette spécialiste auprès de TF1info. « À la différence, que les faits divers ont un traitement journalistique, quand cette légende fonctionne comme une sorte de mythologie universelle, sans explication plausible. » 

Si elle persiste dans le temps, c’est donc parce que cette légende, « basée sur l’apparition fantomatique », incarne pour ceux qui la diffusent et l’écoutent « les dangers et les risques », poursuit l’autrice de l’ouvrage De la rumeur à la légende urbaine. « À travers les témoignages, les routes sont souvent sinueuses, escarpées, de nuit. Et plus les territoires sont dangereux, plus ils alimentent ces récits. » 

Venue de loin, la figure du fantôme féminin s’est donc insérée dans son époque par la silhouette de la Dame blanche. Et elle continue à évoluer à travers le temps, propulsée par les réseaux sociaux. Au printemps 2023, elle avait pris la forme d’une mystérieuse « danseuse serbe » (nouvelle fenêtre) vêtue de blanc. Sur TikTok, ces mises en scène avaient cumulé plus de 700 millions de vues.

Retrouvez très bientôt un nouvel épisode des « Légendes urbaines ». Si vous souhaitez que nous revenions sur rumeur à laquelle vous avez longtemps cru, écrivez-nous à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.

Felicia SIDERIS

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