- L’eau de la mer Méditerranée devrait atteindre 30°C cette semaine, selon la chaîne météo.
- Ce phénomène de « canicule marine » est de plus en plus fréquent et nuit à l’ensemble de la biodiversité.
La canicule… dans la mer. À partir de la fin de la semaine, avec les valeurs attendues et redoutées cette semaine, les températures gagneront entre 3 et 4°C d’ici à la fin de semaine.
En juin dernier déjà, lors de la première canicule de l’été, elle avait connu la température de surface la plus chaude jamais enregistrée pour un mois de juin, à 26,01°C en moyenne, selon des données du programme européen Copernicus analysées par Météo-France. Cet épisode n’avait pas duré, les températures ayant chuté à 15°C en juillet. « Les trois semaines de
Tramontane
qui ont suivi ont permis d’éviter une catastrophe »
, souligne auprès de TF1info Jean-Marc Groul, directeur du Seaquarium du Grau-du-Roi.
La température de la mer repart donc à la hausse à cause de la canicule qui s’installe sur la moitié sud de la France. Cette canicule marine est caractérisée par « des températures très fortes, très rapidement, qui durent plusieurs jours »
. Elle est un épisode exceptionnel et périodique. « Il ne faut pas la confondre avec le réchauffement climatique en lui-même, qui est long et continu. Mais ce dernier rend les canicules marines plus fréquentes, plus longues et plus intenses »
, explique Jean-Marc Groul.
La région méditerranéenne est depuis longtemps classée comme un point chaud (« hotspot »
) du changement climatique par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) des Nations unies.
Elle connaît des vagues de chaleur répétées depuis 2023 et elle se refroidit beaucoup moins vite qu’auparavant durant la période hivernale. « Il y a 50 ans, il y avait une canicule marine par an maximum, et elle était localisée »
, rappelle le directeur du Seaquarium, « aujourd’hui, le phénomène se répète et concerne l’ensemble du bassin méditerranéen. »
Dôme de chaleur
Comment expliquer une telle montée de la température de l’eau ?
La canicule marine accentue la « stratification »
naturelle de la mer. Les océans sont stratifiés en raison des différences de densité, avec une eau plus chaude à la surface, se superposant à une eau plus froide en profondeur. Le vent joue un rôle essentiel car il permet de brasser l’eau et de faire remonter les eaux froides des profondeurs vers la surface. Mais la canicule marine empêche les deux couches de se mélanger.
De plus, la température exceptionnelle à l’extérieur facilite la formation d’un dôme de chaleur. Ce phénomène météorologique lié à l’accumulation, à un endroit, d’une gigantesque masse d’air chaud qui ne peut pas s’échapper a un effet significatif sur la Méditerranée, avec une absence de nuages et de vent.
Le plancton va être touché et ensuite, toute la chaîne alimentaire
Le plancton va être touché et ensuite, toute la chaîne alimentaire
Jean-Marc Groul, directeur du Seaquarium du Grau-du-Roi
Si les océans jouent un rôle de régulateur du climat en absorbant 90% de la chaleur excédentaire générée par les activités humaines, « ce ne sera pas toujours le cas »
, prévient Jean-Marc Groul. Depuis les années 1980, la Méditerranée se réchauffe en moyenne de 0,4 °C par décennie, plus rapidement que les autres océans car elle a une connexion limitée avec l’océan Atlantique. À cause de cette isolation géographique, les eaux de la mer Méditerranée se renouvellent lentement et sont très sensibles au réchauffement climatique.
Ces vagues de chaleur marine mettent à rude épreuve les espèces marines les moins mobiles, comme les moules ou les éponges, explique le directeur du Seaquarium. Elles subissent donc les canicules de plein fouet. « C’est comme un incendie sous-marin »
, décrit-il.
Plus globalement, toutes les espèces sont touchées, la majorité d’entre elles étant à sang froid, leur corps adopte la température de leur milieu. « Les pertes vont être importantes »,
s’inquiète Jean-Marc Groul, « le plancton va être touché et ensuite, toute la chaîne alimentaire”.
Lors des canicules marines entre 2015 et 2019 en Méditerranée, une cinquantaine d’espèces (coraux, gorgones, oursins, mollusques, bivalves, posidonies, etc.) avaient connu des mortalités massives entre la surface et 45 mètres de fond, selon une étude de 2022 dans la revue Global Change Biology.
Avec la répétition des ces phénomènes de canicules marines, « personne ne peut prédire ce qui va se passer »
, alerte Jean-Marc Groul, « on va assister à un bouleversement total des écosystèmes ».
Dans le scénario d’un réchauffement mondial supérieur à 1,5 °C depuis l’ère pré-industrielle, plus de 20 % des poissons et invertébrés exploités en Méditerranée orientale pourraient disparaître localement d’ici 2060 et les revenus de la pêche pourraient diminuer jusqu’à 30 % d’ici 2050, avertissent les experts du Giec.