Selon une étude de l’UFC-Que Choisir, huit médicaments sur dix conservent 90% de leur efficacité passée la date de péremption.
Parue ce jeudi, cette dernière fait notamment réagir les pharmaciens qui mettent en garde les patients contre les raccourcis hâtifs.
D’une part, tous les médicaments ne se valent pas, d’autre part, l’efficacité de certains produits périmés ne rime pas forcément avec absence de toxicité.

« L’information qui figure sur la boite doit être respectée ». C’est le message que veulent faire passer les pharmaciens aux patients après la parution, ce jeudi, d’une étude de l’UFC-Que Choisir selon laquelle une majorité de médicaments est toujours efficace des années après leur date de péremption. « Il est important d’avoir des lanceurs d’alerte, sur différents sujets, mais je suis tout de même étonné qu’une alerte de cette nature relative à la santé, concernant des médicaments, soit lancée par un magazine de consommateurs », réagit, à chaud, Philippe Besset, pharmacien d’officine et président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Il redoute notamment des raccourcis hâtifs chez les patients. « La crainte, c’est qu’ils mettent au même niveau les médicaments et les yaourts, et ne respectent plus les dates de péremption, or ce ne sont pas des yaourts », insiste-t-il.

« On prend un peu le médicament à la légère, ce n’est pas un produit de consommation », abonde Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO (l’Union des Syndicats des Pharmaciens d’Officine).

« Au mieux, il n’est plus efficace, au pire, il devient toxique »

« Il ne faut pas faire de généralité, ce n’est pas parce qu’une étude montre qu’une molécule est valable plusieurs années après la date de péremption que ça l’est pour toutes les molécules », poursuit ce dernier, rappelant que « chaque médicament a une structure chimique dans l’espace qui lui est propre et c’est cela qui détermine son efficacité ». Par nature, la forme comprimé est notamment plus stable que les liquides, rappelle-t-il.

Ensuite, l’efficacité prolongée de certains produits périmés ne rime pas nécessairement avec absence totale de toxicité, selon lui. « Passé le délai de péremption, le médicament n’est plus considéré comme conforme, or des médicaments qui ne sont plus stables peuvent engendrer une toxicité induite par la dégradation du produit. Si un médicament reste valable à 90%, les 10% qui ne sont plus valables peuvent, eux, présenter une toxicité », détaille-t-il. Et de résumer : « si la date est dépassée, au mieux le médicament n’est plus efficace, au pire, il devient toxique ».

Pierre-Olivier Variot estime en outre que « c’est très marginal finalement », ce que vise l’étude de l’UFC-Que Choisir. « Les médicaments qui concernent les infections aiguës, (antibiotiques, etc) ou le chronique (hypertension, etc) en sont éliminés par nature car ils n’ont pas vocation à être conservés mais utilisés à l’instant T », explique-t-il, estimant que ce que vise véritablement cette étude, ce sont les médicaments prescrits par le médecin « si besoin » (mal de tête, constipation…)

« Les industriels font mieux leur travail »

Indépendamment de cet appel à la prudence à l’attention des patients, les deux pharmaciens s’accordent sur le fait que cette étude confirme que la stabilité des médicaments progresse. « Elle dit que les industriels font mieux leur travail et que les médicaments sont stables plus longtemps », résume Philippe Besset de la FSPF. « Il y a clairement une évolution dans la fabrication des produits, on l’a bien vu concernant les vaccins du Covid, au fur et à mesure, on a réussi à permettre une meilleure stabilité, la science avance vite », poursuit-il, évoquant une « enquête importante qui va peut-être permettre à l’Agence nationale de sécurité du médicament d’évoluer sur la question des dates de péremption ». 

« On a en France une agence du médicament qui se réfère à la constitution française et au principe de précaution et qui est la plus adepte du contrôle », rappelle encore ce dernier, précisant que l’étude parue ce jeudi fait notamment référence à l’agence du médicament américaine, la FDA, qui, elle, autorise des dates de péremption plus lointaines. Et de poursuivre : « les syndicats de pharmaciens vont recommander à l’ANSM de contrôler l’enquête d’UFC et si elle dit vrai, les dates de péremption pourront être repoussées, ce qui serait une bonne nouvelle pour tout le monde, mais il faudra inévitablement en passer par d’autres études ».

Pour l’heure, la consigne à rappeler aux patients concernant les médicaments périmés reste la même : les ramener en pharmacie. « Il faut vraiment avoir ça en tête, c’est important de faire ça, les produits sont ensuite détruits sélectivement selon un circuit particulier, il ne faut pas que les produits atterrissent dans l’eau de rivière par exemple », rappelle Philippe Besset, soulignant que ce qui concerne le contenant, à savoir les emballages carton qui renferment le produit, eux, peuvent aller aux ordures ménagères.


Audrey LE GUELLEC

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