Le père Jacques Hamel a été assassiné le 26 juillet 2016 dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray lors d’un attentat mené par deux terroristes se réclamant de Daech.
Près de dix ans plus tard, le destin a réuni Roselyne, la sœur de la victime, et Nassera, la mère de l’un des assaillants.
Dans le portrait de la semaine de 7 à 8, elles racontent à Audrey Crespo-Mara comment elles se sont liées d’amitié.
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Sept à huit
Presque une décennie s’est écoulée, mais l’émotion est toujours aussi vive. Le 26 juillet 2016, deux terroristes se réclamant de Daech ont perpétré un attentat à l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), égorgeant le prêtre auxiliaire Jacques Hamel à l’issue d’une prise d’otage. Adel Kermiche et Abdel Malik Nabil-Petitjean, les assaillants, sont ensuite abattus par les forces de l’ordre. Mais de ce drame et de la douleur qu’il a engendrée est née une amitié hors norme entre Roselyne, la sœur du père Hamel, et Nassera, la mère d’Adel Kermiche. C’est ensemble que les deux femmes ont décidé de vivre leur deuil. Au micro d’Audrey Crespo-Mara, dans Sept à Huit, elles expliquent comment et pourquoi elles en sont arrivées là et livrent une véritable leçon d’humanité.
Tout commence par ce jour funeste de juillet 2016, et les difficiles semaines qui suivent. « Je suis (alors) dans une grande souffrance. Mais c’est une souffrance qui n’a pas de nom. Chaque jour, j’imagine la scène de ce jour-là, ce que mon frère a pu subir », confie Roselyne. « Au moment de la garde à vue, la policière qui m’interrogeait me dit que mon fils est impliqué et est mort. C’est la sidération. Je suis désormais la maman d’un enfant qui a commis un geste horrible », articule d’une voix étranglée Nassera. Dès lors, « je me demande ce que j’ai fait pour que mon fils dévie de la sorte. J’ai élevé tous mes enfants de la même façon. Je me demande si j’ai été une bonne mère, si j’ai fait ce qu’il fallait pour que mon fils soit heureux et vive comme les autres », continue-t-elle.
« Le seul chemin qui donne du sens à ma vie »
Mais alors comment les deux femmes se sont retrouvées sur le chemin de l’autre ? « Je me suis posée un jour une bonne question : qui peut souffrir plus que moi ? Et je me suis dit, quand même, si j’étais la maman de cet homme qui a commis des actes affreux, quelle serait ma douleur ? ». À partir de ce moment, mes pensées n’ont pas quitté Nassera que je ne connaissais pas encore, jusqu’à ce que je me décide à la rencontrer« , explique la sœur du père Hamel.
Neuf mois après l’attentat, la rencontre devient une réalité. Les deux femmes se rappellent alors leur anxiété et leurs cœurs « battant la chamade ». Tout de suite, « je dis pardon, pardon. Je demande pardon pour ce que mon fils a commis », se rappelle cette mère qui a perdu l’un de ses cinq enfants ce jour-là. Roselyne la « prend dans [s]es bras » et lui dit « mais enfin madame, je ne suis pas venue vous chercher un pardon, je suis venue pour vous proposer de gérer notre douleur ensemble ».
Une amitié qui leur permet de résister à la terrible réalité. « Ce lien qui nous lie est douloureux pour tous les deux, mais est indestructible », assure la première, « c’est le seul chemin que j’aie trouvé qui donne du sens à ma vie, qui me tient debout ». Les mots ne sont pas moins forts du côté de la mère d’Adel Kermiche. « Cette amitié m’aide à être debout, à avancer… à tenir », souffle-t-elle. Avant de fondre en larmes.
Retrouvez cet entretien avec Audrey Crespo-Mara dans le replay en tête de cet article.