
« Manipuler les virus, manipuler le climat ? Comment juger de ce qui est responsable en recherche ? » Tel est le titre du dernier avis du comité d’éthique du CNRS (Comets), rendu public le 30 juin, et qui porte sur le développement de recherches pouvant engendrer des risques collectifs élevés. Dans un cas, ce sont les expériences dites « de gain ou de perte de fonction », susceptibles de rendre des agents pathogènes (virus, bactéries) plus dangereux, afin de mieux se préparer aux pandémies. Dans l’autre, c’est la géo-ingénierie solaire, qui vise à réduire l’ensoleillement pour contrer le réchauffement climatique – par exemple, en injectant des aérosols dans la stratosphère. Dans les deux cas, la communauté scientifique est divisée sur la pertinence de poursuivre de tels travaux, en raison des risques d’accident de laboratoire ou de déstabilisation du climat. Présidente du Comets, la juriste Christine Noiville revient sur la genèse de cet avis et les recommandations qu’il porte.
Comment le choix du Comets sur ces deux thématiques scientifiques particulières s’est-il fixé ?
Le Comets a commencé à travailler sur la géo-ingénierie, un sujet très débattu, alors que des acteurs souhaitent passer à des expérimentations de terrain. Il nous a semblé pertinent d’aborder en même temps les questions de gain ou de perte de fonction, en virologie. Ces deux exemples sont, en effet, emblématiques d’une même interrogation, qui en soi n’est pas nouvelle – celle de la responsabilité du chercheur – mais qui prend une acuité particulière dans un monde où la compétition en matière de recherche est vraiment forte, où l’on valorise les recherches appelées « high risk high reward », c’est-à-dire à risques collectifs importants, mais susceptibles d’apporter des solutions à de grands enjeux tels que le réchauffement climatique ou la lutte contre les pandémies.
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