Ioulia Navalnaïa s’empare de la polémique autour de l’invitation en Italie du chef d’orchestre Valery Gergiev, connu pour sa proximité avec Vladimir Poutine

L’affaire était passée quasi inaperçue jusqu’à ce que l’information, qui n’avait pas échappé au site spécialisé Slipped Disc, au magazine Diapason et à Radioclassique.fr, et même au New York Times, fasse l’objet d’un tweet indigné, le 5 juillet, de la vice-présidente du Parlement européen, l’Italienne Pina Picierno. En cause : l’invitation du chef d’orchestre Valery Gergiev, connu pour sa proximité avec Vladimir Poutine, au festival italien Un’Estate da Re, près de Naples. « Il est inacceptable que des fonds européens soient utilisés pour financer la performance d’un partisan du Kremlin », s’insurgeait Pina Picierno sur X. Et d’appeler le directeur du festival ainsi que le président de la région Campanie, Vincenzo De Luca, à « empêcher la participation de Valery Gergiev et garantir que l’argent des contribuables ne finisse pas dans les poches d’un partisan d’un régime criminel ».

Vincenzo De Luca, pour qui cette invitation démontre que « le dialogue entre les peuples peut s’approfondir et que les valeurs de solidarité humaine peuvent se développer », ne se contente pas de justifier cette invitation, dans un communiqué publié sur X le 7 juillet. En conférence de presse, il va jusqu’à déclarer : « Nous sommes particulièrement fiers de compter [Valery] Gergiev parmi nous. La Russie, c’est l’Europe », choisissant au passage d’ignorer le rappel fait par la Commission européenne, le 10 juillet. « Sous le régime de [Vladimir] Poutine, les institutions culturelles contrôlées par l’Etat constituent un bras étendu de la propagande, fait savoir le porte-parole de cette dernière. L’Union européenne exhorte les organisations culturelles à travailler avec les artistes qui défendent les valeurs démocratiques et rejettent l’instrumentalisation de la culture par les agresseurs. »

Jeudi 10 juillet, c’est au tour de Ioulia Navalnaïa de s’emparer du sujet, en publiant un tweet comportant un lien vers une vidéo YouTube intitulée Un maître de la propagande : pourquoi Valery Gergiev doit être tenu pour responsable. Le chef d’orchestre, aussi omnipotent qu’omniprésent en Russie (il est notamment directeur du Bolchoï), y est décrit comme « un ami proche et allié de Vladimir Poutine, un homme de son entourage proche », qui soutient « ouvertement sa politique depuis des années ». Pis, selon l’enquête publiée sur le site Internet d’Alexeï Navalny en 2022, et qui a fait l’objet d’une vidéo intitulée Le Chef d’orchestre de la guerre de Poutine, Valery Gergiev « ne se contente pas de soutenir le régime. Il en fait partie intégrante, il est un outil d’influence et de propagande de Poutine ». Pour la Fondation anticorruption, fondée par Alexeï Navalny, le « dialogue culturel » invoqué par des responsables du festival italien est « ridicule ». Elle a exigé vendredi sur X « l’annulation du concert de Valery Gergiev » et annoncé l’envoi de lettres en ce sens au festival et aux ministres de la culture et de l’intérieur italiens.

Concernant le financement du festival, le porte-parole de la Commision européenne précise que « la série de concerts n’est pas financée directement par des ressources européennes mais par des fonds nationaux à travers le Fonds italien de développement et de cohésion ». Il n’empêche que, si la Commission n’a donc « aucune responsabilité » directe, un Etat membre de l’Union européenne, lui, en a une. Alors que celle-ci a prévenu qu’elle allait prendre les sanctions « les plus lourdes » contre la Russie depuis 2022, plusieurs médias espagnols annoncent également la venue de Valery Gergiev à Barcelone au début de l’année 2026 dans le cadre de la 42e édition de La Temporada, série de concerts proposée de novembre à juin en Catalogne. Cette édition programme aussi le Gréco-Russe Teodor Currentzis, autre chef d’orchestre accusé de proximité avec le pouvoir russe, des soupçons qui n’ont pourtant empêché ni la Philharmonie de Paris ni l’Opéra de Paris de l’inviter à se produire.

Tatiana Weimer

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