Mort le 4 janvier après plus de dix années de silence imposées par un grave accident cardiaque, Claude Allègre restera dans la mémoire collective comme le parrain du climatoscepticisme français. La bataille contre la science climatique fut sa dernière croisade, menée avec quelques compagnons de route de l’Institut de physique du globe de Paris, et c’est à elle qu’il restera associé pour longtemps. Les géochimistes Marc Chaussidon et Jérôme Gaillardet rappellent, dans un beau texte d’hommage publié le 9 janvier, qu’il fut l’auteur d’une œuvre scientifique saluée par les distinctions les plus prestigieuses, mais pour une grande part de l’opinion Claude Allègre restera le climatosceptique en chef plutôt que le récipiendaire du prix Crafoord (équivalent du Nobel en géologie), de la médaille Wollaston ou de la médaille d’or du CNRS.
Ce n’est pas une injustice. C’est la conséquence naturelle de l’extraordinaire succès de la campagne climatosceptique lancée en 2006 par l’ancien ministre socialiste et ses lieutenants. Tous les leviers ont été actionnés. Provocations par voie de presse et instrumentalisation de l’Académie des sciences, chargée d’organiser des débats truqués donnant l’apparence de la dispute savante. Conférences universitaires en grande pompe et ouvrages de « vulgarisation » niant les faits scientifiques, abondamment promus dans les matinales et sur les plateaux de télévision. Etc. En 2010, Claude Allègre signe L’Imposture climatique (Plon), livre qui marque l’apogée de la campagne lancée quatre ans plus tôt, pavant la voie à tout un cortège d’ouvrages climatosceptiques, tous farcis des mêmes contrevérités, falsifications et diffamations diverses.
Grâce à son entregent dans les médias et sa position dans l’establishment scientifique – en particulier à l’Académie des sciences –, Claude Allègre a conduit une campagne dont le succès n’a pas eu d’équivalent. Au point que la quasi-totalité des chercheurs français en sciences du climat signeront en 2010 une lettre ouverte protestant contre les faussetés et les dénigrements propagés à leur endroit dans l’espace public. Même aux Etats-Unis, où le climatoscepticisme a été financé à coups de dizaines de millions de dollars, les chercheurs n’ont pas été poussés à de telles extrémités.
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