En septembre 2002, Pascal Labarre est condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour le meurtre d’une mère de famille, Michèle Gillet.
Neuf mois plus tard, il est finalement innocenté et tente depuis de connaître la vérité.
Le magazine Grands Reportages s’est penchée sur cette affaire classée… mais jamais résolue.

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Grands Reportages

Qui a tué celle qu’on surnomme « Miquette », retrouvée morte le 1ᵉʳ septembre 1998 sur la terrasse de sa maison, à Lisle (Dordogne) ? Vingt-six ans après les faits, l’affaire n’a toujours pas été élucidée. Un temps suspecté dans cette affaire, Pascal Labarre, un employé communal du Périgord, a été acquitté en appel en juin 2003. Il savoure aujourd’hui des bonheurs simples en famille, mais il a bien failli ne jamais les vivre. « Il faut rattraper le temps perdu, on en profite au maximum », lâche-t-il dans le magazine Grands Reportages (à voir ci-dessus), qui est revenu ce dimanche 7 juillet sur ce cold case. 

Accusé d’avoir sauvagement tué Michèle Gillet, une mère de famille de 46 ans, il est condamné en septembre 2002 à 20 ans de réclusion criminelle. Il en fait encore des cauchemars. « Les bruits de clé des surveillants qu’on entend ça, on ne les oubliera pas. Ce sont des choses qui sont inoubliables », dit-il. 

Frappée à plusieurs reprises à l’arrière du crâne

Son histoire, c’est aussi celle d’un incroyable rebondissement. Après quatre ans derrière les barreaux, Pascal est innocenté et libéré, mais son honneur a été sali. Maintenant, il n’attend plus qu’une chose : « Trouver qui a commis ce crime odieux, j’aimerais bien qu’on le retrouve, autant pour moi que pour ma famille, la famille de la victime », espère-t-il. Pour comprendre ce qu’a vécu Pascal Labarre, il faut revenir en 1998. À cette époque, il a 33 ans et vit encore chez ses parents dans un petit village du Périgord. Une vie sans histoire qui va bientôt être bouleversée. Le drame va avoir lieu dans le village voisin de Lisle, 1000 habitants. Dans une maison un peu l’écart habite Michèle Gillet, une femme un peu fragile, diminuée intellectuellement après avoir contracté un virus à l’âge de 29 ans. Mais selon Pierre, l’ainé de ses trois enfants, elle avait en partie vaincu la maladie. « Elle a réussi à s’en remettre très difficilement, ça a été long, mais à la fin, elle se débrouillait toute seule, c’était une personne autonome », affirme-t-il. 

Un mardi de septembre, un voisin la découvre morte sur sa terrasse. Elle a été assassinée. Le maire de l’époque, Jean-Jacques Villepontoux se souvient : « J’étais en vacances à l’île d’Oléron et ma première adjointe m’a appelé au téléphone. Elle m’a dit qu’il y avait eu un crime à Lisle. Alors stupéfaction évidemment parce que dans un petit village rural, la vie est relativement tranquille et lorsqu’il se passe un événement comme ça, c’est la stupeur. Donc, je suis rentré au village », raconte-t-il. La brigade de gendarmerie la plus proche est également alertée. Voici ce qu’elle découvre : « Ça semble être violent puisque la dame est allongée, un peu dévêtue, le slip baissé, un seau à côté. Elle présente des traces de sang, donc c’est pas un accident », indique le gendarme qui était en charge de l’enquête. L’autopsie révèle que « Miquette » a été frappée à plusieurs reprises à l’arrière du crâne puis étranglée. Le meurtrier aurait aussi tenté de la noyer en plongeant sa tête dans un seau d’eau. Bien qu’en partie dévêtue, elle n’a pas été violée. Par ailleurs, sa maison ne porte aucune trace de vol ou d’effraction.

On vous bourre le crâne, c’est un lavage de cerveau.

Pascal Labarre

Alors que plusieurs pistes sont étudiées, notamment celle de son fils qui aurait pu la tuer pour contracter une assurance-vie ou son ancien mari qui voulait récupérer sa maison dans laquelle elle vivait, elles sont très vite refermées. Tous deux ont un solide alibi, ils sont donc mis hors de cause. Alors qui a tué Michèle Gillet ? Quatre mois après le meurtre, les gendarmes sont dans l’impasse. Mais l’audition de Pascal Labarre retient tout à coup leur attention. Ils l’ont interrogé au tout début de l’enquête parce qu’il vient souvent chez « Miquette » pour faire un peu de bricolage et lui rendre de petits services. « Je lui donnais un petit coup de main et puis, ça s’arrêtait là. C’était juste une amie », admet-il. Pour autant, Pascal ne fait pas bonne impression, les gendarmes le trouvent confus dans ses explications. Le 11 janvier 1999, ils le placent en garde à vue sur la base de maigres indices. Et au bout de dix heures, le jeune homme craque et finit par faire des aveux. 

Pascal Labarre raconte qu’il entretenait depuis quelques mois une relation avec « Miquette ». Il explique ensuite aux gendarmes qu’il a utilisé un pied de parasol pour lui fracasser le crâne parce que la victime souhaitait « mettre fin à leur relation » et cela l’a fait rentrer « dans une colère noire ». Voici ce qu’il dit lors de son audition : « Je défais le parasol que je pose sur la table, je prends le piquet blanc et je frappe Miquette qui se trouve au sol sur le corps, le visage et la tête. Je la frappe de colère ». Plus loin, il ajoute : « J’ai essayé de noyer Miquette dans un seau d’eau ». Un peu plus tard, il précise encore : « J’ai essayé de l’étrangler, j’enlève mon lacet de ma chaussure, je passe le lacet autour de sa tête. J’ai serré pendant trois minutes environ et j’ai relâché ma pression. J’ai repris mon lacet ». Des détails du crime « que seul l’auteur pouvait connaître », selon les gendarmes.

Malgré ses dires, l’arme du crime reste introuvable. Il le reconnaitra plus tard, tout ce qu’il a raconté aux gendarmes est faux. Selon lui, ses aveux lui ont été extorqués sous la pression. « C’étaient des petites piques (…) C’est toujours les mêmes questions qui reviennent. On vous bourre le crâne, c’est un lavage de cerveau (…) Quand on est sous pression, qu’on vous tourne la tête, on n’a plus de points de repère, on n’a plus rien, c’est la catastrophe, on dit n’importe quoi. Après, ils ont plus qu’à faire leur film eux-mêmes, ils ont le coupable », avoue-t-il aujourd’hui. 

Un mois après son incarcération, du fond de sa cellule, Pascal se rétracte. Son ami d’enfance vole aussi à son secours, mais son témoignage ne pèse pas lourd, car Pascal a fait des aveux trop détaillés aux gendarmes. Le verdict tombe, il est condamné à 20 ans de prison. « C’est le coup de massue, et puis, tout s’écroule », avance-t-il. Pascal Labarre aurait pu passer une bonne partie de sa vie derrière les barreaux, mais sa famille et ses amis se mobilisent. Ils engagent l’enquêteur privé Roger-Marc Moreau,
déjà connu pour sa contre-enquête dans l’affaire Omar Raddad, et qui va le sauver de ce cauchemar. Pourtant, au départ, il n’est pas très optimiste. « Même si le monde judiciaire s’en défend, les aveux, c’est l’élément essentiel du procès pénal », lance-t-il. Mais en lisant le procès-verbal, il relève de multiples contradictions et incohérences, notamment concernant la prétendue arme du crime dont « le diamètre ne peut pas correspondre aux diamètres des blessures retrouvées sur le crâne de la victime ». 

En juin 2003, lors de son procès en appel, Pacal Labarre est acquitté et innocenté. Il aura passé quatre ans et demi derrière les barreaux. En attendant, l’assassin court toujours, mais peut-être plus pour très longtemps. Dix-huit ans après les faits, Roger-Marc Moreau aurait en effet retrouvé de nouveaux témoins qui pensent connaître le coupable. Mais à ce jour, la justice n’a pas relancé l’enquête. Le souhait de Pascal de retrouver le meurtrier de Michèle Gillet sera-t-il un jour exaucé ? Personne ne le sait, mais pour lui, sans vérité, il est difficile de se reconstruire et de reprendre une vie normale.  

Retrouvez une autre enquête inédite jamais résolue sur la disparition à Barcelone de Romain Lannuzel, un étudiant français et l’intégralité de Grands Reportages dans la vidéo en tête de cet article.


Virginie FAUROUX | Reportage TF1 : Sébastien Gilles

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