Dans un monde en quête de sens et de ressources, nombreuses sont les personnes qui s’intéressent au chamanisme.
Pratique spirituelle ancestrale, originaire de Sibérie, le chamanisme est une expérience de l’invisible.
Selon les croyances, les chamans seraient les médiateurs entre le monde visible, celui des humains et le monde invisible, celui des esprits.
Lorsque l’on se promène sur les réseaux sociaux ou Internet, on peut voir se multiplier de nombreuses offres de « séances chamaniques », de « trouver son animal totem », de réaliser des « nettoyages générationnels ». Voici plusieurs années que le chamanisme connaît un engouement auprès d’un public en quête de spiritualité. Aujourd’hui, on compterait environ un millier de chamans. Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Qu’est-ce que le chamanisme ?
« Le mot ‘chaman’ est issu d’un mot toungouse, qui vient de Sibérie. Normalement, il n’appartient qu’à cette région, mais il est devenu mainstream« , nous explique Céline Dartanian, chamane de lignée, auteure de « Dans le noir, on voit mieux : Les épreuves d’une chamane » et fondatrice de BÖÖ, une marque de produits de phytothérapie ritualisés. La faute au courant New Age né aux États-Unis dans les années 60. « Il y a des gars qui vont prendre des plantes enthéogènes et on va commencer à associer le chamanisme à une prise de substance« .
L’anthropologue Roberte Hamayon, spécialiste du chamanisme sibérien, expliquait que le mot « chaman » désigne les cerfs qui remuent leur corps et donnent des coups de bois. À l’époque, les chasseurs allaient voir les chamans, qui étaient un peu les prêtres de la nature, pour demander l’autorisation de chasser. Le chaman rentrait alors en contact avec l’esprit de l’animal pour passer un accord avec lui. Avec le temps, d’autres branches du chamanisme se sont développées : thérapeutique, divinatoire, etc.
Le chamanisme, en réalité, est une pratique spirituelle nourrie par une connexion profonde à la nature et au sacré. Le chamanisme part du principe que nous ne sommes pas séparés de la nature, mais que nous en faisons partie. Le chaman, lui, est un intermédiaire, un médiateur entre « nos deux dimensions ». Pour Céline Dartanian : « C’est la personne qui est capable d’intercéder entre deux mondes, le monde des humains visibles et le monde invisible. On vient traiter avec des esprits de la nature, et des forces autres avec lesquelles on n’a pas l’habitude de réagir« . D’ailleurs, pour elle, le chaman est un prêtre « animiste ». L’animisme étant la croyance en une force vitale animant tous les êtres vivants.
Le rôle du chaman ?
L’une des fonctions principales du chaman est la guérison spirituelle. D’après le chamanisme, les maladies peuvent avoir des causes spirituelles, telles que la perte d’une partie de l’âme, l’intrusion de mauvais esprits ou un déséquilibre. Céline Dartanian explique qu’en réalité, on vient la voir pour différentes problématiques : « Parce qu’on a un problème de terrain, ou alors, on a des entités ou pour essayer d’aller mieux« . Elle ajoute : « Chaque cas est assez unique. Je reçois beaucoup de mamans, qui ont perdu des enfants de 12 ans, 20 ans… Elles me voient pour avoir un dernier lien aussi. Ça leur permet de faire leur deuil« .
Le chamanisme repose sur l’idée que la réalité est composée de plusieurs dimensions et que certaines sont peuplées d’êtres spirituels (animaux, ancêtres…) ou d’énergies. Ces alliés spirituels aident les chamans pendant leurs rituels de soin et cérémonies. « C’est comme une grande réunion de copro, mais de l’autre côté. On se réunit dans le monde invisible, on met tout le monde autour de la table de la négo« . Mais avant que les « esprits » se mettent autour de la table, une séance commence par un entretien. « J’ai besoin de très peu d’échanges. Par la conduite d’entretien, je vois si je me place du côté spirituel ou psychologique. Si je vois qu’il y a une partie psychologique, là, je ne fais rien« . En revanche, « si c’est du spirituel, je vais faire un soin. Je mets la personne debout ou allongée. Je vais commencer à utiliser mes mains, mais très vite, on va m’emmener sur des chants, parfois, c’est beaucoup plus intense et je bascule en transe« .
Le chamanisme et la conscience écologique
Étroitement lié à la nature et aux cycles naturels, le chaman interagit en synergie avec les « esprits de la nature » : les animaux, les plantes, les éléments comme l’eau, la terre, le feu ou le vent. Pour Patrick Drouot, écrivain et conférencier sur les traditions spirituelles, le chamanisme « est une voie qui nous enseigne à nous reconnecter à notre source profonde, à la sagesse de la nature et à l’énergie cosmique« . Le botaniste et pionnier de l’écologie Jean-Marie Pelt estime, lui, que « les chamans nous rappellent que la nature est vivante, qu’elle parle à ceux qui savent l’écouter. La modernité a oublié cette voix, mais elle est toujours présente pour ceux qui la recherchent« . Aujourd’hui, le chamanisme, tout comme les autres pratiques spirituelles, a le vent en poupe. « Je pense que ça fait partie de tout ce mouvement post-Covid », estime Céline Dartanian. « On est tous en recherche de sens, de valeurs, de ressources. Et puis, il y a cette conscience écologique, le fait qu’on voit qu’on va droit dans le mur ».
