Son seul et unique « boss », c’est le dollar, comme il le répète à l’envi à ses collaborateurs, entre deux volutes de Marlboro Light. Et ce ne sont pas les sanctions sur le pétrole russe votées par les Etats-Unis et les autres pays du G7 qui l’arrêtent. Depuis sa salle de négoce installée dans la Platinum Tower de Dubaï, le tradeur originaire d’Azerbaïdjan Etibar Eyyub fait tourner la machine à cash avec une créativité sans limites : sociétés offshore, cargos fantômes naviguant transpondeurs éteints, transbordements effectués sous les radars au large des côtes…

Si l’homme est inconnu du grand public, il ne l’est pas des autorités américaines, qui l’ont placé sous enquête. Le Wall Street Journal a rapporté en février que le Department of Justice (DOJ), le ministère de la justice aux Etats-Unis, le soupçonne d’avoir créé un réseau de sociétés-écrans travaillant de concert avec une entreprise de négoce en matières premières ayant pignon sur rue à Genève et à Dubaï : Coral Energy. De 2014 jusqu’en 2018 au moins, il fut tradeur et bras droit du fondateur de Coral, Tahir Garayev, lui aussi azerbaïdjanais et dans le viseur du DOJ. Contacté, le DOJ n’a pas souhaité faire de commentaire.

Coral Energy, qui était un partenaire privilégié de la Russie et de son géant pétrolier Rosneft avant la guerre contre l’Ukraine, affirme sur son site avoir mis fin à ses contrats russes début 2022. Au Monde, la société déclare, par l’intermédiaire de son avocat, qu’elle « accord[e] la plus haute priorité au respect des lois sur les sanctions des Etats-Unis, de l’Union européenne, du Royaume-Uni et d’autres sanctions applicables », ajoutant qu’elle travaille avec des conseils juridiques externes « pour examiner ses activités et garantir la conformité avec la loi ».

Un système de « blanchiment »

Or, des documents internes au groupe obtenus par Le Monde montrent qu’à eux deux Etibar Eyyub et Tahir Garayev ont permis à la Russie d’écouler une partie importante de son pétrole vers le reste du monde, sans toujours se conformer aux sanctions internationales. Ces documents confidentiels pointent directement vers l’Europe. Ils révèlent que l’activité de négoce de Coral Energy a été alimentée par le financement de banques européennes, dont la Société générale à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros, mais aussi par les achats de plusieurs majors pétrolières, dont le géant français TotalEnergies.

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