A première vue, on dirait de simples touristes. Bras dessus, bras dessous sur les Champs-Elysées, en short et casquette, ils se prennent en photo sur la plus belle avenue du monde et publient le cliché sur Internet.
En réalité, les quatre acolytes sont des agents spéciaux du United States Secret Service (USSS), l’agence fédérale américaine notamment chargée de la protection de la présidence du pays. Et s’ils sont à Paris, c’est pour sécuriser le déplacement de la première dame, Jill Biden, qui représente les Etats-Unis lors de la très attendue cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Problème : ils rendent publiques bien plus que de simples photos de touristes. Et ils ne sont pas les seuls.
Car les agents français du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), les Américains du USSS, ainsi que leurs homologues russes du service fédéral de protection (FSO) ont en commun un goût prononcé pour l’application Strava, qui permet d’enregistrer ses performances sportives et de les partager. Grâce à un téléphone ou à une montre connectée, ils conservent la trace de leurs footings ou promenades à vélo. Ces données sont ensuite publiées sur la plateforme, qui fonctionne comme un réseau social.
Le hic : les profils des utilisateurs et utilisatrices y sont par défaut publics. Et la très grande majorité des données sont géolocalisées. En clair, les gardes du corps des présidents français, américain et russe communiquent sans en avoir conscience leurs déplacements sur Internet, y compris lors de missions professionnelles. Une faille de sécurité d’ampleur inédite qui permet de les suivre à la trace et ainsi d’identifier à l’avance les lieux où vont séjourner les principaux chefs d’Etat de la planète.
Les mardi 11 et mercredi 12 juillet 2023, par exemple, Emmanuel Macron doit se rendre à Vilnius, en Lituanie, afin d’assister à un sommet de l’OTAN. Près d’un an et demi après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, il est question pour les pays membres de l’Alliance atlantique de réaffirmer leur soutien à Kiev. Mais, dès le dimanche 9, Paul (les prénoms ont été modifiés), un agent du GSPR, est sur place. Arrivé en « précurseur », selon le terme consacré, celui-ci a pour mission de sécuriser les lieux, deux jours avant l’arrivée du président en Lituanie. Rien d’anormal jusque-là, d’autant plus que ce déplacement figure, comme il se doit, au calendrier de l’Elysée.
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