Alors que la France n’a toujours pas de premier ministre, la dégradation des comptes publics se poursuit à vive allure. La Commission des finances de l’Assemblée nationale réclamait une opération transparence afin de préparer le projet de loi de finances 2025, dans un calendrier de plus en plus contraint. Elle a été servie. Thomas Cazenave, le ministre démissionnaire chargé du budget, lui a transmis, lundi 2 septembre, une photographie inquiétante des comptes publics, qui placera d’emblée le prochain chef du gouvernement dans une position difficile.

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A moins de deux ans des élections municipales, les collectivités locales ont augmenté leurs investissements et creusé leurs déficits. En outre, il a fallu financer des dépenses imprévues liées à la grave crise sociale et politique en Nouvelle-Calédonie. Enfin le rendement de la TVA et de l’impôt sur les sociétés a déçu. Résultat : le déficit public pourrait atteindre 5,6 % du PIB. C’est 1,2 point de plus que ce que le gouvernement visait en janvier et 0,5 point de plus qu’au printemps, lorsqu’il a été obligé de constater que les recettes fiscales seraient en retrait par rapport à ses prévisions.

La conjoncture ne peut même pas être accusée d’être à la source de cette dérive inédite. Jusqu’à présent, la croissance tient. La progression de 1 % du PIB sur laquelle le gouvernement table pour 2024 a de bonnes chances de se réaliser. Il est difficile également de soupçonner ce dernier de faire du catastrophisme. Jusqu’à présent, il a plutôt péché par l’excès inverse, en misant sur des hypothèses que le Haut Conseil des finances publiques jugeait systématiquement trop optimistes. Les faits ont donné raison à cet organisme, au point que la trajectoire budgétaire imaginée pour ramener le déficit sous les 3 % en 2027 est désormais caduque.

Débat rouvert sur la réforme des retraites

L’urgence de la situation semble en complet décalage avec le spectacle politique auquel nous assistons ces dernières semaines. En laissant passer l’été avant de démarrer les consultations en vue de trouver un premier ministre, le président oblige la représentation nationale à se saisir de la loi de finances en un temps contraint et dans une ambiance survoltée.

Arc-boutée sur les promesses du programme du Nouveau Front populaire, la gauche ne rassure pas sur sa responsabilité budgétaire. La majorité et la droite restent bloquées sur le tabou de l’adaptation de la fiscalité. Quant à l’extrême droite, elle demeure difficilement lisible sur sa stratégie pour redresser les comptes. Entre tous ces camps, le débat s’est déjà rouvert sur la réforme des retraites, et il peut avoir un impact supplémentaire sur les déficits.

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Pendant sept ans, le rétablissement des comptes publics a été négligé par Emmanuel Macron. Parfois pour de bonnes raisons (la crise sanitaire, puis la poussée inflationniste), mais aussi souvent par facilité. Son attitude n’a fait qu’accroître le déni français face aux déficits publics. Celui-ci s’est encore renforcé lors les élections législatives provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale. La plupart des programmes appelaient à des lendemains qui chantent, alors que les caisses sont vides.

La prise en compte de la réalité va pourtant s’imposer au futur locataire de l’hôtel Matignon, quelle que soit sa couleur politique. Si le futur gouvernement ne trouve pas de majorité pour adopter un budget tenable, la France pourrait tester à son détriment les limites de la patience dont ont fait preuve jusqu’à présent ses bailleurs et ses partenaires européens.

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Le Monde

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