Auteur de graffitis dans le métro de Bakou, Théo Clerc a été condamné à trois ans de prison en Azerbaïdjan en septembre dernier.
Une peine particulièrement lourde, alors que les co-inculpés du Français ont écopé de simples amendes.
Sa famille, comme le quai d’Orsay, estiment qu’il est en fait un « otage diplomatique » de Bakou.
Son procès en appel est attendu ce lundi.

« S’il avait été allemand, il serait reparti depuis longtemps ». C’est la conviction de Charlie Clerc qui attend avec fébrilité le procès en appel de son frère Théo à Bakou. En septembre dernier, ce graffeur français de 38 ans a été condamné à trois ans de prison par la justice azerbaïdjanaise, pour « dégradation de biens publics » et « hooliganisme ». Et les circonstances de son inculpation et de sa condamnation semblent donner raison à sa famille et à Paris, quand ils estiment que Théo Clerc est dans cette affaire « l’otage diplomatique » de Bakou. Car les deux artistes arrêtés avec lui, un Australien et un Néo-Zélandais, strictement pour les mêmes faits, n’ont écopé que d’une amende et ont quitté le pays depuis longtemps. 

Des graffitis dans le métro de Bakou

Lorsqu’il escalade le mur d’enceinte avec deux autres street-artistes, à la fin du mois de mars dernier, Théo Clerc sait que ce qu’il s’apprête à faire est illégal. Le graffeur français est reconnu dans le milieu, il participe régulièrement à des voyages en équipe à l’étranger, et la plupart des pays visités pénalisent ce type de graffitis sauvages. Cette fois, le jeune homme tague des wagons du métro de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, dernière étape d’un périple dans le Caucase, qui les a déjà conduits en Arménie et en Géorgie.

Les trois hommes sont arrêtés, subissent 24 heures de garde à vue, et se voient infliger une amende de 3000 dollars chacun. Pourtant, le lendemain de leur libération, la police revient arrêter Théo Clerc. Ses deux équipiers seront laissés en liberté jusqu’à leur procès, condamnés à payer leurs amendes, puis laissés libres de quitter le territoire. Théo Clerc subit un tout autre régime. Incarcéré le 31 mars dans des conditions difficiles , dans une prison où personne ne parle une autre langue que l’Azéri, et dans un pays où le sentiment anti-français est exacerbé, le jeune graffeur est finalement condamné à trois ans de prison le 10 septembre 2024.

Opération « Olympia »

Rien, dans le dossier d’inculpation de Théo Clerc, ne diffère des deux autres graffeurs arrêtés avec lui, mais relâchés. Rien, sinon sa nationalité française. Or les relations entre Paris et Bakou sont exécrables, plus encore depuis la prise de contrôle de l’enclave du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan en septembre 2023, qui avait provoqué l’exode des quelque 100.000 Arméniens qui y vivaient. La diplomatie française a pris fait et cause pour ce vieil allié qu’est l’Arménie, provoquant la colère de Bakou . 

Le président Ilham Aliev est allé jusqu’à profiter de son discours à la COP29, que la capitale azerbaïdjanaise accueillait en novembre dernier (et dont Paris avait boycotté l’ouverture), en dénonçant l’histoire coloniale de la France et les « crimes » du « régime du président Macron » dans ses territoires d’outre-mer, dont la Nouvelle-Calédonie . 

Depuis un an, dénonce un rapport récent du service de vigilance et protection contre les ingérences numériques (Viginum), Bakou va beaucoup plus loin, en orchestrant une campagne numérique contre la France, qui tente d’alimenter les mouvements indépendantistes. L’opération « Olympia » a ciblé particulièrement la Nouvelle-Calédonie, où elle a cherché à exalter le sentiment anti-français lors des récentes émeutes, mais a aussi cherché à créer la panique chez les touristes lors des Jeux olympiques de Paris, pointe le rapport.

« Otage diplomatique »

L’avocate de Théo Clerc, Maître Margot Fontaine, estime que son client est « l’otage diplomatique » de Bakou, « pris au piège des mauvaises relations entre la France et l’Azerbaïdjan, qui ne font que se détériorer ». Une analyse que partage le Quai d’Orsay, qui a protesté à plusieurs reprises contre une détention qu’elle juge « arbitraire ». Un autre Français est , lui aussi, détenu en Azerbaidjan, accusé d’y avoir commis des « actes d’espionnage ». Martin Ryan, un homme d’affaires établi dans le pays, a été arrêté en décembre 2023, et risque 15 ans de prison.

Charlie Clerc devrait faire le voyage en Azerbaïdjan pour soutenir son frère lors du procès en appel, que sa peine soit maintenue, ou même qu’elle soit aggravée. Car l’infraction retenue contre lui, qui implique de « porter atteinte aux intérêts de l’État ou manquer de respect à la société » est passible de cinq ans de prison, s’inquiète son avocate, et est généralement utilisée contre les opposants politiques. Les « dégradations » que constituent les graffitis sur le métro de Bakou pourraient quant à elles valoir théoriquement jusqu’à sept ans de détention au jeune artiste.


F.Se avec l’AFP

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