Dans un Hémicycle d’ordinaire chauffé à blanc, les députés ont enfin trouvé l’occasion de débattre – sans s’écharper – de la crise démocratique et d’esquisser des solutions dans un esprit consensuel. Le mérite en revient aux maires qui, à l’approche des élections municipales de mars 2026, sont l’objet de toutes les attentions et en passe d’obtenir ce qui leur a longtemps été refusé : un statut de l’élu local, permettant notamment à ceux qui exercent dans les plus petites communes d’améliorer les conditions d’exercice de leur mandat.
Outre une majoration de l’ordre de 10 % de leur indemnité, qui varie actuellement de 1 048,20 euros brut mensuels pour les communes de moins de 500 habitants à 5 960,30 euros pour celles de plus de 100 000, les dispositions examinées depuis le mardi 8 juillet à l’Assemblée nationale visent à améliorer la formation des élus, à faciliter la conciliation entre l’exercice de leur mandat et celui d’une activité professionnelle, à mieux mettre en valeur leur expérience lorsqu’ils perdent leur mandat et à renforcer leur protection juridique quand ils font l’objet de menaces, d’outrages, de voies de fait, d’injures ou de diffamation.
Tout aujourd’hui concourt à ce que cette proposition de loi, déposée à l’origine par la sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine, Françoise Gatel, aboutisse rapidement : transpartisane, déjà votée en première lecture au Sénat, elle est fortement appuyée par le premier ministre, François Bayrou, et le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, François Rebsamen. Il aura cependant fallu des années de combat et une grosse alerte pour qu’un texte de cette nature puisse émerger. Dans la foulée des nombreuses affaires politico-financières qui ont secoué la Ve République et fait monter le credo du « tous pourris », reconnaître que la politique a un prix a longtemps fait figure de tabou.

La prise de conscience résulte de deux évolutions : dans la crise démocratique actuelle, le maire est à peu près le seul à résister. Fort de son ancrage territorial, il reste la figure politique la plus digne de confiance (69 %) aux yeux des Français, loin devant le député (42 %) ou le premier ministre et son gouvernement (22 %), selon une enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po en partenariat avec l’Association des maires de France publiée en juin.
Technicisation croissante
Cependant, la période récente a été marquée par une véritable épidémie de démissions : 2 189 maires ont renoncé à leurs fonctions entre juillet 2020 et mars 2025, soit environ 6 % d’entre eux. Une crise des vocations est redoutée, alors qu’un tiers des édiles présenteraient des signes d’« épuisement », selon une récente étude dirigée par Olivier Torrès, économiste et professeur à l’université de Montpellier.
Trop longtemps différée, la création du statut de l’élu local apparaît d’autant plus nécessaire qu’elle ne vise pas seulement à conforter les maires les plus en souffrance. Elle cherche aussi à revivifier la démocratie locale en attirant vers les assemblées communales, départementales et régionales davantage de jeunes et de femmes. Mais si l’ambition est louable, elle mérite d’être relativisée. Parmi les facteurs qui contribuent à rendre plus difficile l’exercice d’un mandat local figurent la technicisation croissante de la fonction et surtout la montée des tensions. Plus d’un tiers des récentes démissions de maires résultent des conflits qui se sont manifestés au sein des conseils municipaux. Contre cela, la loi ne peut pas grand-chose.