L’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition visant à créer une nouvelle infraction pénale : le « contrôle coercitif ».
Ce concept est au centre du procès très médiatisé opposant le rappeur Nekfeu et son ex-femme.
Il s’agit d’une forme de violence domestique insidieuse et multiforme qui rend la (ou le) partenaire dépendante.

Mardi 28 janvier, les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences envers les femmes et les enfants. Cette loi introduit notamment le concept de contrôle coercitif. Par la même occasion, elle crée une nouvelle infraction pénale punissant de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende les auteurs.

Qu’est-ce que le contrôle coercitif ?

Théorisé dans les années 1950, lors de la guerre de Corée, ce phénomène touche également la sphère familiale, diffusé notamment par le sociologue américain Evan Stark. L’association Women For Women explique que le contrôle coercitif est « défini comme un acte délibéré ou un schéma comportemental de contrôle, de contrainte ou de menace utilisé par un individu contre une personne, un/e partenaire intime ou un/e ex-partenaire, dans le but de la rendre dépendante, subordonnée et/ou de la priver de sa liberté d’action« .

Dans un article publié sur le site spécialisé Psychology Today, la psychologue et psychothérapeute Anna Motz explique que les méthodes de contrôle coercitif « peuvent être insidieuses, engendrant chez la victime le sentiment qu’elle est entièrement responsable de la santé et du bien-être de son partenaire ». Elle implique des menaces de suicide ou de meurtre, mais aussi des menaces sur les proches, voire les enfants et une grande part de la manipulation psychologique. L’agresseur multiplie les comportements oppressifs, notamment dans le choix des vêtements ou en réduisant les interactions sociales. Autre tactique utilisée : une domination totale sur les questions financières, sociales et domestiques. 

L’objectif est toujours d’isoler la victime, la rendre complètement dépendante, coincée dans un cercle d’emprise et d’impuissance. « Evan Stark parle d’une prise en otage de l’intime : le conjoint agresseur, le plus souvent un homme, enferme sur quelques mois, parfois sur des années, sa victime dans une cage dont les barreaux sont, la plupart du temps, invisibles« , souligne Laurène Daycard, journaliste et autrice de Nos absentes : à l’origine des féminicides, interrogée par Le HuffPost. Et comme le rappelle Anna Motz, pour ces femmes, partir est le point de risque le plus élevé. D’où l’importance de légiférer sur ce concept pour les protéger et mieux saisir le climat conjugal, mais aussi prévenir les drames. Comme le soulignent les associations féministes, les féminicides passent par le contrôle coercitif.

La justice confrontée à un cas de contrôle coercitif

Le concept de contrôle coercitif est au centre d’un procès très médiatique : Nekfeu et son ex-femme s’accusent mutuellement de contrôle coercitif. Dans une longue enquête du journal Le Monde, l’ex-compagne accuse le rappeur de « violence multiforme« , psychologique, physique et sexuelle. Elle explique que durant leur relation, il avait un contrôle sur « ses tenues, son maquillage, ses sorties, son activité professionnelle, les hommes qu’elle peut fréquenter – aucun, d’après elle – et ses réseaux sociaux« . Elle ajoute « je n’avais plus d’âme, plus de vie, plus de personnalité. J’étais vampirisée, dépossédée de mon identité« . Ce à quoi, Nekfeu a répondu : « C’est elle qui a exercé son contrôle coercitif sur moi. Elle m’a isolé de ma famille, de mes proches pendant un an. Cette relation était très immature. C’est un traumatisme pour moi. À cause de cette histoire, je n’ai pas sorti d’album depuis plus de cinq ans« . En attendant l’inscription définitive du concept dans la loi, l’avocate de l’ex-femme compte s’appuyer sur la jurisprudence. En janvier 2024, la cour d’appel de Poitiers a, en effet, rendu cinq arrêts différents consacrant le contrôle coercitif.


Sabine BOUCHOUL pour TF1 INFO

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