Cinq personnes ont été mises en examen ces derniers jours en région parisienne.
Elles sont soupçonnées d’avoir siphonné plus de seize millions d’euros, grâce au Compte personnel de formation (CPF).
Une équipe de TF1 a mené l’enquête sur cette escroquerie bien rodée.

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Le 20H

Pendant de longues années, la Caisse des dépôts et consignations n’y a vu que du feu. Jusqu’à ce qu’une très forte hausse, supérieure à 135%, de l’achat de certaines formations, sans que rien ne puisse l’expliquer, ne lui mette la puce à l’oreille. Une vaste arnaque au Compte personnel de formation (CPF) a ainsi permis à des escrocs de détourner plus de 16 millions d’euros d’argent public. Le 26 septembre, cinq personnes, dont le donneur d’ordres présumé, âgé de 35 ans et déjà connu des services de police pour importation de produits stupéfiants, ont été mises en examen. Dans la vidéo du 20H à retrouver en tête de cet article, une équipe de TF1 lève le voile sur les rouages de cette escroquerie particulièrement bien rodée.

Prenons le cas d’un immeuble d’une ville cossue de la région parisienne, où une dizaine d’organismes de formation sont officiellement domiciliés. Lorsque l’on pousse la porte d’entrée et que l’on jette un œil aux boîtes aux lettres, on constate que le bâtiment héberge des comptables ou des dentistes, mais aucune trace d’une quelconque formation. Ces sociétés fictives, parmi lesquelles de fausses associations pour les personnes en situation de handicap, sont au cœur de l’arnaque en question.

Via les réseaux sociaux ou le bouche-à-oreille, une équipe des Yvelines démarchait les propriétaires de CPF, en leur proposant de retirer la somme disponible sur leur compte en échange de leurs identifiants, puis de leur verser 10% de ladite somme en argent liquide, comme le raconte à notre équipe un habitant de Trappes qui a décliné cette proposition. Ceux qui acceptaient le marché étaient ensuite inscrits à des cours imaginaires, dispensés par ces fausses entreprises, créées de toutes pièces et à la chaîne par les escrocs. 

Ces coquilles vides leur ont permis de détourner pendant des années les versements de la Caisse des dépôts et consignations, l’institution chargée de financer la formation en France, qui n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de TF1. « Dans des dossiers beaucoup plus communs, on a une ou deux, peut-être dix sociétés fictives avec des prête-noms. Là, on peut en avoir 150 ou 200 », explique à TF1 Me Alexandre Simonin, l’avocat d’un des mis en cause. Pour l’heure, au moins 122 fausses sociétés ont ainsi été identifiées par Tracfin, le service de renseignement placé sous l’autorité du ministère de l’Économie.

Qu’est devenu tout cet argent détourné ? Selon les enquêteurs de la Brigade de répression du banditisme (BRB) de Versailles (Yvelines), il a servi à financer d’autres activités illicites, comme du trafic de stupéfiants ou de voitures. Et pour blanchir leurs bénéfices, les escrocs ont eu recours à la méthode dite des « comptes rebonds ». « L’argent est versé sur un compte, qui parfois n’est même pas celui de l’organisme de formation, puis immédiatement, il rebondit sur d’autres comptes, jusqu’à l’étranger, souvent à Dubaï », détaille Éric Bérot, directeur adjoint du Service interdépartemental de la police judiciaire (SIPJ).

Malgré le coup de filet de la fin septembre, des investigations sont toujours en cours dans cette affaire, après que les enquêteurs ont épluché plus de 1.300 offres de formation pour débusquer ces arnaqueurs. Programmes non conformes, durées de formation complètement incohérentes, invraisemblables taux de 100% de réussite, absence de formateurs… Voilà désormais plusieurs années que les fraudes au CPF sont en constante augmentation dans le pays. En 2022, plus de 200.000 personnes se sont portées candidates à une formation professionnelle. Mais, sur les 185 organismes contrôlés par Caisse des dépôts et consignations, 171 se sont révélées illégales, soit neuf sur dix.


Hamza HIZZIR | Reportage TF1 Baptiste GUÉNAIS, Corinne CHEVRETON, Elodie DUBOSCQ

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