Le crabe aux pinces bleues nous arrive de l’Atlantique Nord.
Il prolifère aujourd’hui jusqu’en Corse où il est devenu la hantise des pêcheurs.
Alors pour sauver la pêche locale, certains restaurateurs se mettent à le cuisiner.

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Le 13H

Chaque jour, en marchant, en nageant, il parcourt entre 5 et 10 km. Un petit crabe bleu qui a fini par coloniser la plupart des lagunes de Corse. À proximité de l’étang de Biguglia, une équipe de reportage de TF1 suit Jean-Louis, un des derniers pêcheurs de lagunes de l’île. « Là, on arrive dans l’embouchure du Golo. C’est généralement l’endroit où on pêche du poisson. Mais malheureusement, ça fait belle durée qu’on n’en pêche plus », précise-t-il.

Les rares poissons capturés ce matin ont parfois été attaqués, abîmés par les crabes. « La boutargue a été mangée et le poisson lui aussi a été mangé donc ce n’est pas vendable », regrette le pêcheur. Sous l’eau, dans les filets de Jean-Louis, des centaines de crabes qui rendent désormais la pêche impossible. « Il reste pratiquement plus de filets. Chaque crabe bleu, c’est un trou, donc c’est plus possible », dit-il désespéré. 

Ça fait deux hivers d’affilée qu’on a péniblement cette température de l’eau, donc les crabes continuent à croître, à proliférer, à migrer.

Marie Garrido, écologue spécialiste des lagunes à l’Office environnement de Corse.

À deux ans de la retraite, il pense jeter l’éponge : « On peut considérer que c’est la fin du métier. On était une vingtaine de pêcheurs lagunaires il y a deux ans. On n’est plus que six et cinq l’année prochaine. » Jean-Louis ne pourra pas écouler sa cargaison de crabes bleus. Il y en a trop et son marché est encore confidentiel en Corse. Il veut nous montrer une nasse spécialement conçue pour capturer cette espèce invasive. 

Ce matin, il y en a près de 200 kilos. L’opération n’est pas sans danger. Les pinces du crustacé sont très coupantes. En quelques années, la population de crabes a triplé. Plus au sud, à deux heures de Bastia, la pêche, notamment à l’anguille, est quasiment au point mort. « Le crabe devrait arrêter toute croissance quand les températures chutent en dessous de 10°C. Ça fait deux hivers d’affilée qu’on a péniblement cette température de l’eau donc les crabes continuent à croître, à proliférer, à migrer », explique dans la vidéo en tête de cet article Marie Garrido, écologue spécialiste des lagunes à l’Office environnement de Corse.

Faute de l’éradiquer, les scientifiques tentent de limiter son impact. « On a décidé de préconiser la mise en place de pêches intensives à des secteurs et à des périodes clés de son cycle pour essayer de casser la reproduction », poursuit la spécialiste. En Corse, quelques restaurateurs commencent à s’intéresser à ce crabe si envahissant. « Il y a beaucoup de chair à l’intérieur. Elle est très bonne, très tendre. C’est la même chair qu’on a goûtée avant-hier », constate Stéphane, le chef. Il cuisine le crabe aux pinces bleues avec sa bisque. Une belle découverte culinaire pour ces touristes bretons. « Extraordinaire, très fin, très frais. Mais c’est un goût spécial parce que ce n’est pas comme notre crabe breton », juge une cliente. « Ils ont fait disparaître toutes les autres espèces autour des étangs, donc ils méritent de le terminer dans notre assiette », s’amuse un touriste. Les professionnels ont aussi un rôle à jouer pour réguler ce crustacé. « La seule solution actuellement, c’est que les restaurateurs prennent conscience qu’il faut aller sur ce produit pour aider nos pêcheurs locaux », préconise Paul Luciani, gérant du restaurant L’Ebistine à Furiani (Haute-Corse). À côté de la charcuterie corse, le crabe bleu va peut-être devenir un incontournable des restaurants de l’île.


La rédaction de TF1 | Reportage David Bordier, Pascal Marcellin, Séverin Fortin

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