Samy Cohen est professeur de science politique à Sciences Po Paris et directeur de recherches au CERI. Spécialiste de la société israélienne, il est l’auteur de Tuer ou laisser vivre. Israël et la morale de la guerre (Flammarion, 368 pages, 22 euros).

Que vous évoquent les révélations du quotidien « Haaretz » sur les ordres donnés aux soldats de tirer sur les Palestiniens qui se pressent tous les jours pour l’aide humanitaire ?

Cela révèle un phénomène de fond observable dès le lendemain du 7-Octobre. L’état-major a laissé aux commandants d’unité, de division, de brigade et de bataillon une très grande latitude de décision concernant l’ouverture du feu. Jusque-là, les règles d’engagement étaient strictes et devaient être approuvées à un niveau assez élevé en cas de présence de civils à proximité des combats ennemis. Avant le 7-Octobre, si l’on devait détruire un immeuble d’habitation, il fallait obtenir au préalable l’autorisation du chef d’état-major de l’armée. Aujourd’hui, un commandant local peut demander un appui aérien et faire détruire tout un édifice s’il estime que ses forces sont menacées, sans en référer au plus haut niveau.

Les règles édictées par l’état-major sont claires et nettes, rédigées sous le contrôle du procureur général militaire et transmises oralement. Mais les commandants d’unité font, la plupart du temps, ce qu’ils veulent. Ils considèrent que la priorité des priorités, c’est de protéger leurs soldats. Donc, dans certaines zones dites « stériles », des commandants ont décidé d’eux-mêmes que toute personne qui s’y aventurait devait être tuée sans sommation, ce qui est contraire au droit international et au code éthique de l’armée.

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