Ce qui frappe, d’abord, c’est le silence. Passé l’entrée, protégée par des sacs de sable, pas un bruit ne s’échappe des comptoirs d’enregistrement, des larges couloirs desservant les portes d’embarquement, des magasins de duty free ou des pistes de décollage. Depuis deux ans et demi, l’aéroport de Kiev-Boryspil, le plus grand d’Ukraine, est à l’arrêt, vide et silencieux. Oleksiy Dubrevskyy, son directeur général, a parfois l’impression d’avoir été projeté dans un univers de science-fiction. « On se croirait dans cette nouvelle de Stephen King [de 1990], “Les Langoliers” », confie-t-il en parcourant l’aéroport, aussi désert que celui imaginé par l’écrivain américain dans son récit, hanté par des créatures monstrueuses.

A Kiev comme dans le reste du pays, l’invasion russe, en février 2022, a infligé un coup d’arrêt au secteur de l’aviation civile. Aujourd’hui encore, plus aucun avion ne circule dans le ciel ukrainien hormis les appareils militaires. Sur les treize aéroports fonctionnels avant l’offensive à grande échelle, dix sont désormais partiellement endommagés ou détruits, dont ceux de Zaporijia, Kherson, Mykolaïv et Hostomel. Seuls trois ont été épargnés ou légèrement endommagés : ceux de Lviv, Odessa et Kiev-Boryspil, lui-même touché par des attaques de roquettes en février et mars 2022. « Malheureusement, le secteur a beaucoup souffert, regrette M. Dubrevskyy. On est passé d’une stratégie de croissance à de la survie. »

En 2021, 16,2 millions de passagers avaient voyagé en avion à travers l’Ukraine, dont 9,5 millions rien qu’à Kiev-Boryspil, détenu par l’Etat. Les prévisions pour 2022 tablaient sur une hausse du trafic avant d’être balayées par l’offensive russe. « Nous sommes le seul secteur à ne pas être opérationnel, trente-deux mois après le début de l’invasion, alors que tous les autres se sont organisés pour le rester malgré la guerre », se désole M. Dubrevskyy.

« Prêts le jour où l’activité reprendra ! »

En dépit de l’absence de toute perspective de relance, le directeur a choisi de ne pas réduire les effectifs afin de maintenir les compétences de son personnel, souvent hautement qualifié, et d’entretenir l’aéroport, une immense infrastructure qui s’étend sur 1 000 hectares et comprend plus de 220 installations. Le site emploie toujours 3 300 personnes, contre 4 015 avant 2022 – une partie s’est réfugiée à l’étranger ou a démissionné. Désormais payés aux deux tiers de leur salaire, ils effectuent des rotations pour maintenir quotidiennement 650 à 750 employés sur site. « Cet aéroport, c’est comme une petite ville, explique M. Dubrevskyy. Donc, même s’il n’y a plus de vols, on ne peut pas simplement le fermer en attendant la fin de la guerre, il faut l’entretenir pour être prêts le jour où l’activité reprendra. »

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