Dans les marges de sa sixième édition, la Biennale de Chicago aura donné la mesure d’un phénomène unique situé à la lisière de l’urbanisme, de l’immobilier, de l’architecture et de l’art contemporain : le petit empire de l’artiste Theaster Gates dans le South Side de Chicago, zone du sud de la ville, quartier de relégation où se concentrent les franges les plus pauvres de la communauté afro-américaine dont il est originaire et où il habite toujours…

Urbaniste de formation, cet autodidacte de 52 ans, devenu en quelques années une star internationale, a acheté sa première maison, un ancien magasin de bonbons, en 2006, en contractant un de ces prêts hypothécaires risqués qui ont entraîné la crise des subprimes à partir de juillet 2007. Alors que le marché de l’immobilier s’effondrait et que sa carrière d’artiste commençait à décoller, il a acquis d’autres biens dans le même périmètre. Des vieux bungalows, des immeubles délabrés, y compris une église, qu’il a au fil du temps restaurés et reconvertis en lieux dédiés à la culture noire, à sa production artistique, à des résidences d’artistes, à la communauté de son quartier…

Siège d’une banque depuis longtemps désaffectée, la Stony Island Bank était ainsi promise à la démolition au moment où il l’a rachetée, dans le courant des années 2010. Le lieu a depuis servi d’espace d’expositions, de performances, mais aussi d’entrepôt pour stocker les masses d’objets, d’archives, de collections diverses qu’il récupère et qui sont au cœur de sa pratique artistique. C’est là en outre que furent numérisés les 7 000 disques de la collection du DJ Frankie Knuckles (1955-2014), dont il s’est retrouvé dépositaire.

« Un moment de terreur absolue » pour le pays

Des DJ étaient invités en résidence et le dimanche des house parties géantes organisées dans le jardin. Il y avait un bar, et une bibliothèque… « On était quelque part entre un centre de recherche universitaire et un centre de performance communautaire », résume ce Zelig noir qui alterne les registres au gré des effets qu’il veut produire, basculant du répertoire sépulcral du prédicateur religieux à la scansion rugueuse du rappeur de ghetto ou au langage fleuri de l’universitaire citant Godard et Foucault…

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