A ma gauche, un petit tas de cellules épithéliales prêtes à recouvrir un tissu. A ma droite, un autre groupe de cellules du même type mais présentant quelques mutations. Qui va gagner ? Qui va éliminer l’autre pour prendre sa place ? Depuis que dans les années 1970 les biologistes ont observé chez la drosophile des compétitions entre cellules avec des lignées capables d’éliminer leurs consœurs, ils s’interrogent sur les moteurs de cette compétition. Est-ce parce qu’une population croît plus vite que l’autre ? Est-ce par l’envoi de signaux biochimiques lors de la rencontre ? Est-ce parce que l’une est plus forte que l’autre, arrivant à comprimer son adversaire jusqu’à l’expulsion ?
Ces questions ne sont pas anodines, tant les processus de compétition entre cellules sont omniprésents, dans le développement normal des tissus aussi bien que dans la prolifération des cellules cancéreuses.
Une équipe franco-danoise, dans Nature Materials du 14 mars, apporte une réponse inédite qui écarte bon nombre d’hypothèses communes. Pour tester chacune d’entre elles, ces chercheurs ont réalisé plusieurs combats entre cellules. L’hypothèse d’un signal biochimique au contact a été écartée en remarquant que, parfois, l’expulsion de cellules se fait en seconde ligne et non au front. L’hypothèse d’une différence de croissance entre les deux groupes a été invalidée par l’observation de cas d’élimination malgré un taux de division cellulaire identique. « L’expérience qui nous a le plus surpris et a conduit à chercher de nouvelles explications a été celle montrant que des cellules “comprimées” par les autres peuvent gagner », explique Benoît Ladoux, chercheur CNRS de l’Institut Jacques-Monod, à l’université Paris Cité, aujourd’hui détaché à l’université Friedrich-Alexander Erlangen-Nürnberg en Allemagne.
L’équipe montre d’abord le rôle essentiel d’une protéine d’adhésion, la cadhérine, dans cette compétition. Cette « colle » entre cellules sert aussi à transmettre les forces d’une cellule à ses voisines. Des colonies dépourvues de cadhérine perdent à tous les coups dans les affrontements.
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