Les Anglais ont-ils seulement changé depuis un peu plus d’un demi-siècle ? Bien sûr, les maillots de bain ont raccourci, les bourgeois ne se rendent plus à Wimbledon en nœud papillon et les fêtes foraines ne font plus la promotion de strip-teases. Mais le saut dans le temps qu’offrent les photos de Tony Ray-Jones, prises dans les années 1960 et au début des années 1970, raconte l’étonnante immuabilité des côtes anglaises et des petites villes balnéaires du pays.
Les bains de mer trop froids, les plages de galets inconfortables, et la merveilleuse ironie pince-sans-rire sans laquelle l’Angleterre serait perdue : tout est là, immortalisé en noir et blanc par l’œil acéré et empathique du photographe.
Tony Ray-Jones est mort trop tôt, d’une leucémie, à 31 ans, en 1972. Formé au London College of Printing puis à Yale, aux Etats-Unis, il a eu le temps de laisser derrière lui une œuvre presque anthropologique, consacrée aux loisirs de ses compatriotes. Il a notamment arpenté les stations balnéaires bien avant que l’aviation low cost n’embarque les Anglais par millions à la recherche du soleil, vers l’Espagne ou le sud de la France. Blackpool, Margate, Brighton… Les concours de beauté déprimants, les pique-niques sur la plage avec d’épais chandails en laine, les jeunes branchés et les vieux guindés qui se côtoient sans rien dire – mais qui n’en pensent pas moins : l’Angleterre des années 1960 valait bien celle de 2025.
Véritable empathie
Le travail de précurseur de Tony Ray-Jones a influencé Martin Parr, célébrité de la photographie anglaise, de onze ans son cadet. Mais là où ce dernier a la dent dure, apportant une vision parfois acide de la société anglaise, Tony Ray-Jones sait capter des scènes banales avec une véritable empathie.
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