La toute-puissante Allemagne est officiellement en récession pour la troisième année d’affilée, du jamais-vu depuis l’après-guerre. Pourtant, vue de Paris, de Rome ou de Varsovie, l’Allemagne reste, la plupart du temps, perçue comme une puissance économique et comme une sorte de monolithe politique, dirigé par de grandes coalitions, peu enclin au changement. L’Allemagne préférerait la recherche du compromis et les petits pas aux gestes visionnaires. Tout cela s’avère aujourd’hui insuffisant pour rendre compte d’un pays qui a considérablement évolué depuis 1990 [année de l’entrée en vigueur du processus de réunification entre Allemagne de l’Ouest et Allemagne de l’Est].
A dire vrai, peu de pays européens ont connu autant de changements majeurs que l’Allemagne au cours des trois dernières décennies. Que l’on en juge plutôt. Le pays a d’abord dû digérer le coût – exorbitant – de son unification, autrement dit de l’arrimage de sa partie orientale, ex-socialiste, au reste du pays, gouverné selon les principes de la concurrence et de l’économie de marché.
Il a ensuite fait face à des années de chômage de masse et de rigueur budgétaire (sous le chancelier Gerhard Schröder) avant d’être frappé de plein fouet par la crise financière mondiale, en 2008, entraînant la faillite de nombreuses banques outre-Rhin. A suivi une crise d’une autre nature : en 2015, la chancelière Angela Merkel décide d’accueillir 1 million de réfugiés en provenance de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, entraînant une « crise des migrants » et l’hostilité croissante, alimentée par l’AfD, à l’égard des étrangers, notamment à l’Est.
Nonobstant cette hostilité, en 2022, l’Allemagne d’Olaf Scholz ouvre de nouveau ses portes à plus de 1 million de réfugiés ukrainiens. La France, « terre d’accueil », s’est bien gardée d’en faire autant, qu’il s’agisse des Syriens ou des Ukrainiens. Depuis, et sans même parler de la crise due au Covid-19, notre voisin a dû affronter la fin des livraisons de gaz russe, donc de l’énergie bon marché, conséquence de la guerre en Ukraine ; le retour de l’inflation ; la concurrence accrue de la Chine et les sanctions commerciales américaines, qui touchent particulièrement une économie portée par les exportations.
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