Julie Delpy revient au cinéma devant et derrière la caméra avec « Les Barbares », une comédie sociale décapante.
La réalisatrice aborde de façon décalée et humoristique la problématique des réfugiés.
Elle signe une comédie humaniste qui ne donne pas de leçon, mais qui nous met face à nos contradictions.

Faire une comédie sur les réfugiés, il fallait oser. Trois ans après le drame familial My Zoé, Julie Delpy frappe un grand coup avec Les Barbares, sorti mercredi 18 septembre au cinéma, une comédie sociale décapante dans laquelle elle aborde de façon subtile et très personnelle le sujet du racisme. La réalisatrice nous emmène à Paimpont, un petit village breton, dans lequel règne une paisible harmonie. 

Il y a Joëlle (Julie Delpy), l’institutrice donneuse de leçon, Anne (Sandrine Kiberlain), la propriétaire de la supérette portée sur la boisson, Hervé (Laurent Lafitte), le plombier macho et un brin raciste ou encore Sébastien Lejeune (Jean-Charles Clichet), le maire qui tente de faire bonne figure. Alors que tout ce joli monde a voté avec enthousiasme l’accueil de réfugiés ukrainiens, ils déchantent rapidement lorsqu’ils voient débarquer des Syriens. 

Pourquoi avez-vous eu envie d’aborder un sujet aussi délicat que celui des réfugiés ? 

Parce que je suis bouleversée par la crise des réfugiés. C’est dramatique de voir des gens mourir en Méditerranée et maintenant dans la Manche. Après, on réfléchit à la meilleure manière de parler de ce sujet, car je sais que beaucoup de gens sont gavés par les histoires de souffrance des autres parce qu’ils ne voient que la leur. Faire un film drôle et qui se moque de tout le monde, permet d’ouvrir des portes. Les Barbares ne donne pas de leçon parce qu’on rit aussi bien de nos travers de haine que d’empathie à outrance.

Votre film pointe la différence de traitement entre les réfugiés ukrainiens et les réfugiés syriens…

Au départ, avant qu’il y ait la guerre en Ukraine, mon film était plus linéaire. Je posais avec humour la question de savoir si on était capable d’aider les autres et d’avoir de l’empathie pour des gens qui ne sont pas de notre famille. Qu’est-ce que le racisme et la peur de l’autre ? Quand il y a eu la guerre en Ukraine, j’ai vu pas mal d’amis recevoir des familles de réfugiés ukrainiens. Je trouve ça très bien, je ne critique pas. Mais moi qui avais passé deux ou trois ans à parler à des organisations et des associations qui galéraient pour sauver des vies, je me suis dit qu’il y avait une vraie différence de traitement. On a l’impression qu’on va mieux comprendre les Ukrainiens, alors qu’ils ne parlent pas mieux français que les Syriens !

Quel est le message du film ? Est-ce un plaidoyer pour le vivre-ensemble ? 

Je pense que pour 99,9 % des gens, quand on aide, on a quelque chose de positif en retour. Dans le film, c’était également intéressant pour moi de voir comment les réfugiés nous perçoivent. Eux aussi doivent se demander qui sont ces gens qui les reçoivent en écrivant le mot « Barbares » sur la porte de leur maison. Ce qui me rend triste, c’est de voir que les gens parlent des réfugiés comme d’une masse alors que ce sont tous des individus différents. Malheureusement, on nous bourre le crâne d’idées préconçues. Moi-même, j’en avais.

Je suis quelqu’un qui aime bien être nulle part.

Julie Delpy

Espérez-vous que votre film pousse les gens à réfléchir sur ce sujet ? 

Oui, j’espère qu’il va faire réfléchir des deux côtés. Peut-être que je suis une idéaliste, parce que j’étais élevée par des parents « peace and love », sans un radis, mais qui partageaient tout dès qu’ils avaient de l’argent. Attention, je suis beaucoup plus capitaliste qu’eux, je vis à Hollywood ! Mais je vois les dangers du non-vivre-ensemble et du fait de ne pas donner. 

On vous qualifie souvent d' »électron libre » du cinéma. Ça vous convient ? 

J’aime bien le côté électron libre, mais je crois que le sens a été galvaudé. Je ne suis pas sûre d’être dans une optique de perturbation, mais je ne veux pas qu’on m’enferme dans une case. Alors ça complique les choses parce qu’on ne me suit pas toujours dans mes projets. J’ai plein de scénarios que je n’ai jamais réussi à monter. De toute façon, la chose qui fait le plus peur, c’est la liberté. Et en Amérique, je ne vous raconte pas !

Cela fait trente ans que vous vivez aux États-Unis. Êtes-vous plus heureuse là-bas ?

Non, pas forcément. Mais je ne suis pas plus heureuse en France non plus. Parfois, le nombrilisme parisien m’étouffe. Je suis quelqu’un qui aime bien être nulle part. Vous savez, à Los Angeles, je sors très peu, je suis enfermée chez moi, je vois quelques amis. Ça me permet d’être en retrait et d’écrire. J’ai toujours été un peu renfermée et timide. Quand j’étais petite, j’étais limite asociale. Mes parents m’avaient même emmenée chez une guérisseuse. Je crois que ça a marché !


Rania HOBALLAH

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