Jason Dessen (Joel Edgerton), dans la série « Dark Matter », créée par Blake Crouch.

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Pour ceux qui n’ont jamais vraiment compris de quoi le chat de Schrödinger est le nom, la série tirée par Blake Crouch de son propre roman Dark Matter propose une version à peu près digeste de la théorie du physicien autrichien (1887-1961) qui veut que, en gros et sous certaines conditions, on peut être à la fois mort et vivant.

Il s’agit moins ici d’explorer la théorie que d’en examiner les conséquences, d’arpenter « les passages que nous n’avons pas empruntés », d’entrebâiller « les portes que nous n’avons jamais ouvertes », comme l’annonce une citation de T. S. Eliot (1888-1965) placée en exergue du premier épisode, extraite de son poème The Footfalls of Memory (1935-1942).

Jason Dessen (Joel Edgerton, un peu figé) se réveille un jour dans un monde qui n’est pas le sien. Professeur de physique démotivé et désespéré par ses élèves, il est néanmoins le mari comblé de Daniela (Jennifer Connelly) et le père aimant de Charlie, 16 ans. Mais dans cette autre vie, Daniela et Charlie ont disparu. Lui non plus, d’ailleurs, n’a pas donné signe de vie depuis un an, et il vient seulement de réapparaître, comme le lui font remarquer ses proches. On murmure qu’il a passé quelque temps en hôpital psychiatrique.

Brillant physicien, il a laissé en suspens des innovations majeures. Son ex-petite amie, une plasticienne de renom, lui a consacré plusieurs œuvres. Cette femme n’est autre que Daniela, mais une Daniela qui ne serait jamais devenue sa femme. D’ailleurs, Jason est-il lui-même celui qu’il prétend être ? Vous suivez ?

Apocalypse planétaire

Les mécanismes qui ont permis à Jason de passer d’un monde à un autre, jusqu’à faire entrer une vie dans une autre, font l’objet de développements intéressants, bien qu’assez abscons, dans les deux premiers épisodes de Dark Matter. La série retombe pourtant assez lourdement au troisième épisode, lorsqu’un semblant d’explication à cette ouverture d’un passage dans le multivers fait vaciller le récit.

On ne divulgâchera rien – d’ailleurs, on n’a pas tout compris –, mais la série oscille ensuite dangereusement entre deux voies, d’une part une quête de vérité angoissante sur fond d’apocalypse planétaire, d’autre part une interrogation plus sensible sur le sens de la vie et des choix que l’on fait. Ce deuxième sillon est le plus fécond, mais il met du temps à prendre forme.

Jusqu’à mi-saison, Dark Matter pâtit de son concept un peu imposant, de son budget excessif et surtout de personnages sous-écrits, utilisés pour expliciter l’histoire en temps réel – les spectateurs de l’intrigue, tel le personnage de Jennifer Connelly, s’en sortent d’ailleurs mieux que les autres. Elle s’émancipe pourtant dans sa deuxième moitié, sans doute aidée par des changements de réalisateur qui donnent du souffle au récit. La série s’éloigne alors enfin de la parabole sur le développement personnel pour laisser éclore une forme de douceur et de mélancolie, corollaire du vertige existentiel que provoquent les multiples allées et venues de ses protagonistes dans les couloirs de la physique quantique.

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