
Nombre de marques de mode bien installées n’ont pas commencé leur activité dans ce domaine : avant de concevoir des vêtements, Louis Vuitton était un malletier, Hermès un sellier, Ferragamo un chausseur, Gucci un maroquinier… Et Céline était spécialisée dans le soulier enfantin.
En 1945, Céline Vipiana ouvre une boutique de chaussures sur mesure pour enfants près de la place de République, à Paris. Une proposition luxueuse, étonnante au sortir de la seconde guerre mondiale, mais qui trouve son public. Le commerce fonctionne si bien que la créatrice inaugure trois autres adresses parisiennes en 1948. A cette époque, l’emblème de Céline est un mignon petit éléphant dessiné par l’illustrateur Raymond Peynet.
Encouragée par son succès et peut-être aussi à force d’observer les riches clientes venues chausser leur progéniture, Céline Vipiana élargit son offre dans les années 1960. Elle veut habiller les femmes avec des tenues chics agrémentées de références sportives. Jupe-culotte, chemisier, cardigan, pull en jersey, carré de soie : la cliente Céline est une bourgeoise qui s’assume sans renoncer au confort. Le nouveau logo, qui représente une voiture hippomobile, symbolise cet univers huppé et sportif ; il se retrouve en signature sur les ceintures, les sacs et les mocassins que Céline fait fabriquer à Florence, en Italie, où se trouvent les meilleures usines de maroquinerie. Un autre emblème fait son apparition en 1973 : un double C stylisé que la fondatrice a repéré sur les chaînes qui entourent le parvis de l’Arc de Triomphe, dans la capitale.
Ces choix judicieux permettent à Céline de s’exporter, notamment en Asie, par le biais d’un système de licences, dans les années 1970 et 1980. Ce statut de griffe de luxe internationale séduit Bernard Arnault qui cherche à se constituer un portefeuille de marques − le futur groupe LVMH. Il entre au capital de Céline en 1987, puis l’acquiert entièrement en 1996. Commence alors une nouvelle ère pour la maison : intégrée à la Fédération française de la couture, elle ouvre une boutique avenue Montaigne tandis que l’Américain Michael Kors est nommé directeur artistique.
Maillots de bain et robes portefeuille
A la fin des années 1990, Bernard Arnault croit au potentiel des designers anglo-saxons pour ranimer ses marques historiques : il nomme Marc Jacobs chez Louis Vuitton, John Galliano chez Dior, Narciso Rodriguez chez Loewe, Lee Alexander McQueen chez Givenchy… Chez Céline, Michael Kors explore la veine minimaliste pendant quelques saisons avant d’apporter une touche plus jet-set, avec des jolis cachemires, des maillots de bain et des robes portefeuille taillées pour des vacances à bord d’un yacht.
Une première rupture stylistique s’opère avec l’arrivée de la Britannique Phoebe Philo, en 2008. Elle impose une mode pensée pour les femmes actives, qui veulent être à l’aise dans leurs vêtements et avoir du style. Inspirée par le modernisme de l’architecte Ludwig Mies van der Rohe ou l’abstraction du peintre Frank Stella, elle se sert de drapés, de touches de couleurs vives, voire dissonantes, de formes géométriques et de contrastes de matières pour transcender une garde-robe classique. Sa proposition alors très innovante lui vaut une clientèle fidèle et beaucoup d’admirateurs dans le secteur.
Mais quand le Français Hedi Slimane arrive en 2018, il fait table rase de l’ère Phoebe Philo. Il ôte l’accent du « é » de Céline, et met en place un univers complet et fidèle à son goût pour le rock, incarné par la jeunesse, ponctué de références au vestiaire bourgeois du Céline des années 1960 et 1970. Des habits à la décoration des magasins en passant par les campagnes de publicité, Celine fusionne avec l’esthétique d’Hedi Slimane, qui lance également la ligne masculine, ainsi que des parfums et du maquillage. Un héritage avec lequel devra composer Michael Rider, le directeur artistique nommé en octobre 2024, qui a travaillé neuf ans avec Phoebe Philo auparavant.