Livre. La loi budgétaire, le One Big Beautiful Bill promulgué par Donald Trump, le 4 juillet, triple les fonds alloués à l’agence de contrôle de l’immigration des Etats-Unis (ICE), afin d’intensifier sa traque des travailleurs étrangers sans papiers. Cette hostilité est la manifestation d’une peur très ancienne, celle d’un « effacement des races fondatrices de la nation américaine, bientôt remplacées par des races inférieures, difficilement assimilables ». Ces mots sont ceux de l’historien Denis Lacorne résumant, dans De la race en Amérique (Gallimard, 240 pages, 21 euros), les travaux de la Dillingham Commission (1907-1911), formée par le Congrès pour étudier, au début du XXe siècle, les conséquences de l’immigration. Un siècle plus tard, ces idées ont toujours cours.

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Dans cet ouvrage éclairant, Denis Lacorne replace cette xénophobie dans un contexte plus large – celui, on l’aura compris, de la race. Aux Etats-Unis, ce terme donne sans cesse lieu à de nouvelles interprétations : provenant de l’esclavage, il sert également à parler des nouveaux arrivants. Le signifiant traverse toute l’histoire du pays, tant l’Amérique est un paradoxe opposant « une société fondée sur l’inégalité des races et l’égalité des citoyens ». Cette équivoque apparaît dès les premiers jours : alors que les Pères fondateurs promulguent leurs idéaux universalistes dans la déclaration d’indépendance et la Constitution, nombre d’entre eux détiennent des esclaves sur leurs plantations.

Dans ce livre, Denis Lacorne prend le contrepied d’un courant historiographique récent qui fait de l’arrivée des premiers captifs, en 1619, le véritable acte de naissance des Etats-Unis : il souligne au contraire l’importance des premiers mouvements abolitionnistes, qui ont obtenu dans différents Etats, dès les années 1770-1780, l’adoption de lois prévoyant la fin de l’esclavage. C’est la preuve, conclut le spécialiste des Etats-Unis, que « la grande marche vers l’indépendance » est « indissociable » d’un « courant d’idées favorisant l’égalité de tous ».

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