New York à la période de Noël, une idylle interdite. Nicole Kidman a connu cela une première fois ; c’était en 1999, dans Eyes Wide Shut. Le film de Stanley Kubrick s’ouvrait sur elle : nue, perchée sur de hauts talons, sa silhouette callipyge nous tournait le dos. Devant le miroir, elle était absorbée par son reflet, absolument parfait. Pour filmer le corps des femmes, Kubrick s’est inspiré du travail du photographe de mode Helmut Newton (1920-2004) : il s’agissait de construire un mirage, un fantasme d’homme. A l’autre bout du film, le visage de Kidman, en larmes, venait répondre au plan d’ouverture. Papier glacé versus femme concrète.

Vingt-cinq ans plus tard sort sur les écrans Babygirl, réponse de la cinéaste néerlandaise Halina Reijn au film de Stanley Kubrick. Que s’est-il passé depuis ? Il y a eu MeToo, un torrent de paroles libérées, sur le sexe comme arme des hommes, sur la jouissance, sur le corps des femmes. Dans Babygirl, encore New York, encore Noël, mais cette fois c’est Nicole Kidman, femme puissante, qui tente de dresser les contours de ce qu’elle veut : se soumettre à un jeune stagiaire qui lui offre ce délice absolu, lorsqu’on est au sommet, de la perte de contrôle.

Dans une séquence, Reijn répond à l’ouverture kubrickienne : Kidman est nue, mais nous fait face. C’est une femme de 57 ans qui se tient devant nous, à la poitrine haute, aux abdos d’acier, et au fessier de jeune fille. Le fond de l’œil est rassuré : il glisse sur une image lisse, immaculée – ni graisse, ni poils, ni affaissement des chairs n’entament sa contemplation. Dans sa perfection posthumaine, ce corps exhibe les marques d’une discipline exigeante, coûteuse en temps et en argent : sport intensif, régime strict, médecine cosmétique et techniques de soi qui dépassent l’imagination du commun des mortels. Il crie son effort soutenu, nous raconte qu’il a les moyens de s’arracher à la nature et que Kidman n’a sans doute pas d’autre choix. Avant d’être le corps d’une femme d’une quinquagénaire, c’est le corps d’une star.

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