Alexandra Roux est sociologue associée au Centre de recherche médecine, science, santé et société et autrice de Pilule. Défaire l’évidence (Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2022). Elle revient sur les résultats de l’enquête « Contexte des sexualités en France » (Inserm, ANRS-Maladies infectieuses), dont la quatrième édition, qui aborde notamment les mutations des formes de contraception, est parue mercredi 13 novembre.

L’un des enseignements de l’enquête de l’Inserm est la baisse du recours à la pilule comme méthode contraceptive en France depuis 2005. A quoi cette désaffection est-elle due ?

Dans ses travaux sur la question, la démographe Mireille Le Guen constate la montée d’une méfiance vis-à-vis des médicaments hormonaux depuis une dizaine d’années, liée à une inquiétude sur leurs risques pour la santé. La question de la répartition de la charge mentale et physique de la contraception au sein du couple est aussi souvent évoquée par les concernées.

Mais cette désaffection est aussi la résultante d’un phénomène qui existe depuis que la pilule est sur le marché, c’est-à-dire les années 1960, et qui prend aujourd’hui de l’ampleur : la dénonciation croissante par les femmes des effets secondaires indésirables liés à la pilule : prise de poids, baisse de libido, changement de l’humeur, acné, etc. Ces effets ont longtemps été sous-estimés par les professionnels de santé, qui les considéraient comme de moindres maux face à la perspective d’une grossesse non désirée : l’utilisatrice pouvait se voir répondre qu’elle n’avait « pas encore trouvé la bonne pilule », c’est-à-dire qu’il suffisait de changer de molécule. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes préfèrent se tourner vers une tout autre méthode contraceptive.

Longtemps, en France, l’association entre contraception et pilule a été une évidence. Comment celle-ci s’était-elle installée ?

Cette association est le produit d’une longue construction. Rappelons qu’il a fallu la mobilisation des militantes et des militants du Planning familial pour que la contraception soit légalisée par la loi Neuwirth de 1967. Or, ce mouvement comptait de nombreux médecins, qui ont beaucoup contribué à légitimer le recours à la contraception en général, mais surtout à la pilule, qu’ils jugeaient comme la meilleure option : dans les années 1960, la pilule apparaissait comme une méthode, non pas parfaite, mais réellement supérieure aux autres en matière d’efficacité théorique.

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