Il y a six mois, la Pologne est sortie de sa période la plus sombre depuis la chute du communisme. Destruction de la démocratie, piétinement de l’Etat de droit, mise sous tutelle des médias, déshumanisation des LGBT+, politique de haine institutionnalisée, abandon du pays aux oligarques, nationalisme extrême. Tout cela a duré huit longues années.

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Les démocrates polonais ont reçu pendant cette période un grand soutien des démocrates de France et de toute l’Union européenne [UE]. Encore une fois, merci. Forts de cette expérience, nous voyons plus clairement à quels cauchemardesques dangers la France se trouve aujourd’hui confrontée.

Nous allons donc vous dire comment s’installent et à quoi mènent les expériences national-populistes, et combien il est difficile, ensuite, de s’extraire de ce marécage. Nous savons que l’expérience n’est pas transférable, et que comparaison n’est pas raison. Mais avant de voter pour l’extrême droite ou l’extrême gauche, écoutez le témoignage de citoyens d’un pays qui a connu un gouvernement de nationaux-populistes autoritaires et anti-européens.

Blessures nationales

Tout a commencé doucement, à pas de velours. Pendant la campagne électorale de 2015, le parti Droit et justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski a promis un « bon changement », des privilèges sociaux, la « redistribution de la dignité ». Ensuite, le parti a joué sur la peur des migrants, censés propager les maladies, les microbes et les parasites. Il s’est opposé aux quotas de relocalisation des réfugiés [demandés par l’UE après la vague de migrants syriens à l’été 2015].

Et cela a continué crescendo. Kaczynski a accusé le premier ministre de l’époque, Donald Tusk, d’être à la solde de l’Allemagne, de la France et de Bruxelles qui – c’est bien connu – ne font que saboter notre souveraineté. Il a dit que la Pologne était « en ruine » et était devenue la « propriété privée de Berlin ». Son parti a joué sur la corde de la fierté et de nos blessures nationales. Il a voulu soigner le complexe d’infériorité par le complexe de supériorité, et exigé de l’Allemagne des réparations de guerre.

Cependant, la population semblait s’être lassée du gouvernement libéral de Tusk. Elle souhaitait un changement, ce que vous appelez l’« alternance ». Elle disait : « Ceux-ci ont déjà gouverné, donnons une chance aux autres. Qu’est-ce qu’on risque ? »

Pressentant le pire, nous avons publié en octobre 2015, juste avant les élections parlementaires, un éditorial dans Gazeta Wyborcza sous le titre : « L’enjeu de ces élections, c’est la démocratie elle-même ». Nous écrivions que ce ne serait pas un simple changement dans le cadre des règles démocratiques, mais une attaque contre ces règles elles-mêmes. Presque personne n’y croyait. On s’est moqué de nous, on nous a accusés d’hystérie, de semer la panique anti-PiS. Nous avons bien vu que nos mots tombaient dans le vide. Nous aurions préféré nous tromper, mais malheureusement ce texte s’est avéré prophétique.

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