Le lancement du modèle d’intelligence artificielle (IA) DeepSeek-R1 par la Chine est bien plus qu’un événement technologique. Il symbolise un basculement stratégique dans la compétition mondiale pour le contrôle des technologies-clés. Présenté comme conçu avec un budget modeste de 5,6 millions de dollars (5,4 millions d’euros) et des ressources techniques limitées, ce modèle rivalise avec des outils comme ChatGPT-4 d’OpenAI, qui ont nécessité des centaines de millions de dollars et les infrastructures les plus avancées. DeepSeek-R1 bouscule l’ordre technologique mondial tout en soulevant des questions de souveraineté et d’éthique numérique.

Depuis plusieurs décennies, la Silicon Valley, cœur battant de l’innovation technologique américaine, défend l’idée que les avancées majeures en IA nécessitent des investissements massifs et des infrastructures ultrasophistiquées. Cette vision s’est traduite par la domination de quelques entreprises (Google, OpenAI, Microsoft), qui concentrent des ressources financières colossales et des compétences exclusives. C’est cette logique qui justifie sous la nouvelle administration Trump le lancement de programmes tels que Stargate [un projet de data centers], visant à sécuriser des investissements privés massifs [500 milliards de dollars annoncés d’ici à 2029], pour protéger la domination technologique américaine face à la montée en puissance de la Chine.

Cette vision est mise à mal par le lancement de DeepSeek-R1. Prétendument développé avec des puces Nvidia H800 (bien moins performantes que les H100 utilisées par OpenAI), et à faible coût, ce modèle semble avoir surmonté des limites matérielles et structurelles fortes. En comparaison, ChatGPT-4 aurait nécessité 50 millions à 60 millions d’heures GPU [unité de temps pour réaliser les cartes graphiques considérées comme indispensables au développement de l’IA générative], mobilisant des infrastructures dont le coût dépasse les 100 millions de dollars. Si cela se révèle exact, les sanctions imposées par les Etats-Unis depuis 2017, visant à restreindre l’accès de la Chine aux semi-conducteurs avancés, n’auront donc pas freiné cette progression.

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