• Parmi les premières pistes fiscales du nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu figurent la défiscalisation et l’allégement des charges sociales sur les heures supplémentaires.
  • Cette mesure est-elle économiquement bénéfique ?
  • TF1info a posé la question à Éric Heyer, économiste et directeur du département analyse et prévision de l’OFCE.

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« Rien n’est encore arbitré ». Alors que Sébastien Lecornu poursuit ses consultations avec les partis politiques, les premières pistes en matière d’impôts envisagées par le Premier ministre se dessinent, en attendant la nomination d’un nouveau gouvernement. Faisant valoir à l’AFP que « le fait de vivre de son travail et le reste à vivre demeurent une des premières préoccupations des Français », l’entourage de Sébastien Lecornu a indiqué qu’il regardait différentes mesures comme « une défiscalisation et un allègement des charges sociales » sur les heures supplémentaires.

La défiscalisation des heures supplémentaires déjà en vigueur

« Monsieur Lecornu devient le Premier ministre des copier-coller », a fustigé jeudi la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, dénonçant des mesures qui « existent déjà » lors de la manifestation intersyndicale à Paris. Promesse de campagne, la défiscalisation des heures supplémentaires a été mise en place par Nicolas Sarkozy en 2007, avant d’être abrogée en 2012 puis réintroduite en 2019 par Emmanuel Macron. Celles-ci sont donc déjà exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 7.500 euros par an, même si les salariés payent encore la CSG (contribution sociale généralisée).

Pour savoir si une défiscalisation et un allègement des charges sociales sur les heures supplémentaires seraient une bonne solution comme le propose Sébastien Lecornu, TF1info a interrogé Éric Heyer, économiste et directeur du département analyse et prévision de l’OFCE. 

Pourquoi cette mesure réapparaît aujourd’hui ?

C’est un vieux relent de l’idée de Sarkozy du « travailler plus pour gagner plus ». Aujourd’hui, on dit que le travail ne paye plus assez, donc on propose de défiscaliser les heures supplémentaires pour que ceux qui travaillent plus gagnent encore plus en payant moins de charges sociales. On veut redonner du pouvoir d’achat à ceux qui travaillent, c’est une mesure très populaire dans l’opinion publique. Sauf que ça ne marche pas.

Pourquoi ? 

Défiscaliser les heures supplémentaires est une bonne idée dans un contexte économique très particulier et une mauvaise idée dans un autre contexte. C’est une bonne idée quand le contexte conjoncturel est très porteur, avec des carnets de commandes pleins à craquer et des entreprises qui cherchent à recruter mais qui ne trouvent personne.

C’est une erreur et c’est très inégalitaire

Éric Heyer, économiste et directeur du département analyse et prévision de l’OFCE

Sauf que le contexte actuel est tout l’inverse. On est dans un moment où la croissance est au ralenti, où les entreprises veulent plutôt licencier que recruter. Inciter à l’augmentation du temps de travail au moment où les perspectives d’emploi n’ont jamais été aussi basses va donc donner du pouvoir d’achat à certaines personnes, mais au détriment de celles qui vont en perdre parce qu’elles vont être licenciées. C’est une erreur et c’est très inégalitaire dans notre contexte. Il ne faut pas encourager à faire travailler plus longtemps ceux qui sont déjà en emploi, mais il faut déjà essayer de maintenir en emploi les personnes pour éviter que le taux de chômage augmente encore plus. C’est différent.

Peut-on alors se demander si cette piste d’impôts ressemble à un coup politique pour éviter la censure ? 

Bien sûr, c’est une mesure qui convient d’un côté à la droite qui veut que le travail paye et qui est aussi là pour répondre aux socialistes qui veulent du pouvoir d’achat pour les salariés. (…) Mais les dernières années où la défiscalisation des heures supplémentaires est en vigueur, les chiffres sont toujours négatifs : ça a détruit des emplois et ça a créé du déficit en France, peut-être parce que ça a été mené dans le mauvais contexte économique.

Et puisque cette mesure coûte, qui va la payer ? Car c’est bien ce qu’a dit Sébastien Lecornu : « Certains impôts diminueront, d’autres augmenteront ». Avec cette mesure, il y aura des gagnants et des perdants, mais il y aura aussi d’autres perdants pour la financer. 

Victor GAUTIER

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