La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, lors de son audition devant la commission d’enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public à l’Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025.

Le débat sur la neutralité de l’audiovisuel public est « légitime », malgré « les polémiques de ces dernières semaines », et ce principe constitue une « exigence absolue à laquelle veille tout particulièrement » France Télévisions, a affirmé sa présidente, Delphine Ernotte Cunci, en ouverture de son audition par la commission d’enquête parlementaire sur le sujet à l’Assemblée nationale, mercredi 10 décembre.

Le contexte est inflammable et le rapporteur de la commission, le député Charles Alloncle du groupe Union des droites pour la République d’Eric Ciotti, l’a soumise à plusieurs dizaines de questions incisives. Jusqu’au bout de cette audition fleuve de quatre heures trente, Delphine Ernotte Cunci a pris le temps de la pédagogie. « France Télévisions est un média financé par tous. Il doit donc s’adresser à tous, quels que soient son lieu de vie, ses opinions ou son niveau de revenus », a-t-elle fait valoir.

La commission d’enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public a été créée par les députés du groupe Union des droites pour la République d’Eric Ciotti dans la foulée de l’affaire Legrand-Cohen. Ces deux journalistes du service public ont été accusés de connivence avec le Parti socialiste après la diffusion, début septembre, d’une vidéo les montrant dans un restaurant avec deux de ses responsables.

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Plus généralement, France Télévisions et Radio France, dont les responsables seront auditionnés la semaine prochaine, sont accusés par une partie de la droite et par le Rassemblement national de partialité en faveur de la gauche. Mais Mme Ernotte Cunci a assuré que France Télévisions se montrait « exemplaire en matière de transparence de son offre d’information et d’équilibre des points de vue ». Divers travaux internes ont été lancés pour renforcer ces principes.

Quant aux erreurs commises sur les antennes, « je ne considère pas que nous soyons irréprochables » et il y a des sanctions internes le cas échéant, expose-t-elle. Mais « cela ne veut pas dire que l’information de France Télévisions n’est pas rigoureuse », oppose-t-elle au rapporteur qui l’appelle à prendre ses « responsabilités ». Dans les prochaines semaines, une « nouvelle direction de la déontologie » transversale va être mise en place.

Puis une élue (Rassemblement national), Anne Sicard, s’agace : « Qui trompe les Français, CNews qui assume sa ligne, ou France Télé ? » « Je considère que nous ne faisons pas le même métier » que CNews, dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, rétorque Mme Ernotte Cunci. En septembre, elle avait qualifié CNews de « média d’opinion » et de « chaîne d’extrême droite », dans un entretien au Monde.

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« Il va nous falloir revoir nos missions » en 2026

Sur l’autre volet des travaux de la commission d’enquête, celui concernant le financement, la présidente de France Télévisions a vanté les « efforts massifs » réalisés par l’entreprise depuis son arrivée à sa tête en 2015, qui cependant aboutit à « une inadéquation croissante entre nos missions et nos moyens ». « La télévision publique remplit des missions essentielles qu’aucun autre » groupe audiovisuel ou réseau social ne pourra « jamais remplir », a-t-elle plaidé.

En 2026, « il va nous falloir revoir nos missions » et les contrats avec le monde de la production, prévient la dirigeante. En septembre, un rapport de la Cour des comptes a mis en évidence une « situation financière critique » à France Télé. Les « sages » de la rue Cambon demandent que l’Etat fixe à l’entreprise « une trajectoire financière réaliste ».

« Est-ce que vous admettez votre part de responsabilité ? », la presse Charles Alloncle. Delphine Ernotte Cunci ne se départ pas de son calme et renvoie aux décisions de la « tutelle », l’Etat. Même réponse sur sa rémunération.

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Sur les frais de réception élevés de France Télé en 2020, autre point soulevé par le rapporteur, elle rappelle qu’il a fallu nourrir les équipes mobilisées pendant la crise du Covid. Mme Ernotte Cunci balaie aussi les accusations sur des nuitées au Festival de Cannes – « pas un euro d’argent public dépensé » – ou l’emploi dans le groupe d’Arnaud Ngatcha, par ailleurs adjoint de la maire de Paris, mettant en avant son travail.

Interrogée sur sa sœur, Marie-Christine Lemardeley, elle-même adjointe d’Anne Hidalgo, la présidente de France Télévisions vante sa famille « qui croit au service public ». Les députés « insoumis » l’accusent d’être « une agente de communication de la macronie » et font monter sporadiquement la tension. « Je n’ai jamais subi de pression politique », précise à un autre moment la dirigeante.

Charles Alloncle finit par dire sa « frustration », face à une présidente qui parfois « botte en touche » selon lui. Il prévoit de l’entendre à nouveau à la fin des travaux de la commission d’enquête. Jérémie Patrier-Leitus, qui en est le président (Horizons), avait prévenu : « Nous ne sommes pas ici dans un tribunal. Ce ne sera pas le procès de France Télévisions ».

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Le Monde avec AFP

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